Je sors de l'hôtel. Il pleut, le ciel gris se reflète sur le bitume, et les arbres commencent à bien exhiber leurs branches qui se dénudent en cette mi novembre. L'automne est bien là avec un temps tout britannique me rappelant un peu mon voyage de noce sur l'île de Skye il y a 5 ans. J'ai près de trois quarts d'heure de route qui s'annonce, il me faut du calme, du "british", qui invite au calme, mais en même temps j'ai envie de découverte et de tester enfin cette morta de Turkiewicz que Serge m'a si gentillement offert.
J'ai plein d'échantillons, mais ce matin je me lance sur un que Goralion m'a envoyé il y a quelques temps. Un tabac qu'il a ramené de Londres, mélange propre à la boutique qu'il a visité la bas, le Segar and Snuff Parlour. Je ne connaissais pas du tout, et je suppose que je ne suis pas le seul. Alors pour en parler vite fait, c'est une vieille boutique qui appartient désormais à Davy's (une "chaîne" de quatre magasins et bars à vins, donc en gros des gens qui apprécient les bonnes choses). Mais Goralion saura mieux nous en parler, j'espère qu'il le fera un jour en créant un fil pour nous présenter ce lieu.
Ils ont notamment la particularité (qu'on ne trouvera plus jamais en France) de faire leurs propres mélanges, et c'est de l'un d'eux que je vais vous parler.
Goralion m'a donc envoyé un échantillon de leur flake Classic. Déjà émietté dans mon sachet, le tabac est désormais sec mais pas cassant. Goralion dans sa lettre me dit qu'il est présente comme un non aromatisé, à la grande surprise de notre ami qui me dit qu'il présente pourtant une bonne odeur aromatique (mais comme le dirait si bien Munch, un tabac peut être aromatique sans etre aromatisé).
La couleur des brins est d'un brun clair doré, mais je n'ai aucune information sur sa composition. Je décide, malgré l'inconnu, de le tester dans ma Morta. Le bourrage est top, j'emiette les brins les plus gros encore, mais dans l'ensemble ca se passe super bien. Au nez, a cru, c'est épicé, épicé, et épicé, très agréable, j'ai du mal à nommer les épices encore (même quand nous je déguste un whisky' une lacune qu'il va me falloir travailler), curcumin? Piment d'espelette? En tout cas c'est agréable au nez, chaleureux.
Les gouttes coulent et s'emportent les unes les autres comme de petits torrents de montagne sur le pare brise de ma voiture qui attends que je démarre., mais je prends mon temps. Je tasse bien mon tabac pour etre plus sur du bourrage, teste le tirage, puis je craque l'allumette. J'aime allumer avec une allumette, on est dans le calme, la quiétude, le temps, ce temps qu'on gâche trop le reste du...temps. Ca s'embrase comme il faut' uniformément, la fumée n'est pas trop épaisse mais pique les yeux quand elle y fait un détour. Le dernier qui m'a fait ca est le Vooroogst. La langue me pique le temps de l'allumage parce que, forcément, c'es la que je tire le plus pour lancer la machine, mais ca disparaît tout de suite, pour laisser place... à un grand moment de plaisir.
Je savoure les premières volutes, c'est doux, léger sans etre insipide, les épices sont là, agréables et équilibrées. Je démarre la voiture et prends la route. Les paysages défilent sous ce crachin de novembre. Les champs labourés, les arbres couleurs de feu, je mets en fond sonore les Brumes de Maigret, qui n'est autre que la bande originale de la série avec Crémer. L'ambiance est parfaite, à l'image de ce tabac que je savoure avec grand plaisir.
Les épices s'estompent, ou plutôt s'accompagnent d'un nouvel élément, une amertume, mais pas dans le mauvais sens du terme. C'est une amertume qui me rappelle celle du pamplemousse rose (foutez moi la paix avec vos pomelos, quand j'étais jeune ca s'appelait pamplemousse). Oui c'est ca, du coup je soupçonne fortement du Virginia. Mais c'est agréable et me berce, j'ai l'impression d'être le commissaire en route vers une nouvelle affaire.
Le goût au dernier tier, et surtout pour la finale (je vais utiliser ce terme employé en whisky pour parler du ressenti en bouche une fois le vers fini, ou en tout cas la gorgée). Il y a toujours cette amertume, mais cette fois plutôt sur' le cacao noir intense. C'est vraiment agréable de bout en bout. Il m'en reste de quoi faire un bol, je suis pressé d'y être, mais j'attendrais d'avoir vraiment de bonnes conditions pour l'apprécier.
J'arrive chez mon client. Je n'aurais eu besoin de le rallumer qu'une fois suite à un soucis de bourrage en milieu de bol. C'était vraiment excellent, coupé du monde. Peut être que certains le trouveraient sans intérêt, mais moi il fait partie de mes préférées que j'ai eu l'honneur de goûter grâce à ce forum. Dommage qu'on ne le trouve qu'à un seul endroit. Il va vraiment falloir que je visite mon ami qui vit la bas.