En passant tantôt devant une école maternelle, j'ouïs un comptine chantée par des bambins, intitulée "J'ai du bon tabac". Je la chantais moi-même à leur âge. Mais pour la première fois en cinquante ans, je prêtai attention au paroles. Ce que je compris m'horrifia. Sitôt rentré à la maison, j'écrivis cette diatribe en vers. Je l'ai également enregistrée en vidéo, que vous pourrez visionner en cliquant sur le lien ci-dessous:
https://www.youtube.com/watch?v=KYEFXYvDstAJ'AI DU BON TABAC« J’ai du bon tabac dans ma tabatière,J’ai du bon tabac, tu n’en auras pas »
(Comptine pour enfants)
Je m’oppose, je vous l’assure,
A toute forme de censure.
Je suis adulte et grand garçon,
Qui plus est, fumeur de bouffarde,
Et goûte fort l’humeur paillarde
Des plus hardies de nos chansons.
Cependant, certaines comptines
Qu’on chante aux bambins et bambines
Suscitent ma circonspection.
Sans forcément parler de fesses,
Elles corrompent la jeunesse
Et gâtent son éducation.
Ainsi de cette ritournelle
Qu’on entend dans les maternelles :
Il y est question de tabac
Gardé dans une tabatière,
Avec la promesse sévère
Que le prochain n’en aura pas.
Ce qui me choque et qui m’irrite,
Ce n’est pas tant que l’on incite
Un môme à fumer du tabac
(Je m’en soucie comme d’un peigne)
Mais bien plutôt qu’on lui enseigne,
Bigre, à ne le partager pas !
C’est lui inculquer l’égoïsme,
Que dis-je, pire, l’onanisme !
Car est-il, pour l’esprit bien né,
(Et ceci dès le plus jeune âge)
Joie qui mieux rime avec partage
Sinon celle de pétuner ?
Bourrer de compagnie sa pipe :
Voilà un antique principe
Qui favorise le respect.
Déjà, dans la vieille Amérique,
Les rudes et âpres caciques
En usaient pour faire la paix.
C’est un délice philanthrope
Inconnu des fumeurs de clopes.
On échange ses impressions :
«
Que dites-vous de ce mélange ?- Il est digne, mon cher, des anges !- Il me transporte d’émotion !-
Goûtez-moi donc cette mixtureQu’à la civette, d’aventure,Je découvris l’autre matin...- Sacrebleu, quel savant arôme !Il est digne de Saint-Jérôme,Voire du grand Saint-Augustin! »
Alors, que nul ne nous enfume !
C’est en société que l’on fume.
Le fumeur qui fume tout seul,
Fût-ce le meilleur « gris » du monde,
Qu’il soit vieillard ou tête blonde,
Est aussi triste qu’un linceul.
C’est pourquoi, parents, pédagogues,
Méfiez-vous des chants en vogue
Qui, sous leurs dehors ingénus,
En vos enfants gravent le vice
- Et quant au tabac, l’avarice -
Avant que l’âge soit venu.
Jaufré Cantolys