Bonjour,
Ce site traitant de sujets comme le tabac ou l'alcool dont les effets sont néfastes pour la santé, nous vous demandons donc DE NE PAS VOUS INSCRIRE SUR CE SITE NI MEME LE VISITER SI VOUS N'ETES PAS MAJEUR. Merci par avance de votre compréhension.
SITE INTERDIT AUX MOINS DE 18 ANS
A la Noble Bouffarde
Bonjour,
Ce site traitant de sujets comme le tabac ou l'alcool dont les effets sont néfastes pour la santé, nous vous demandons donc DE NE PAS VOUS INSCRIRE SUR CE SITE NI MEME LE VISITER SI VOUS N'ETES PAS MAJEUR. Merci par avance de votre compréhension.
DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC
+2
Jaufré Cantolys
william1941
6 participants
Auteur
Message
william1941 Poète, barde, troubadour...
Messages : 6310 Date d'inscription : 03/04/2020 Age : 83 Localisation : Garrigue et méditerranée. studio à Paris
Sujet: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Dim 5 Juil 2020 - 22:20
Istanbul 1984
DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC
Nous étions à Istanbul logés au Pera Palas. Bien avant sa rénovation. Ancien terminus de l’Orient Express, il avait encore le cachet d’un passé fastueux qui avait vu séjourner dans ses appartements des têtes couronnées et des célébrités. La chambre 411 d’où Agatha Christie a mystérieusement disparu pendant une semaine sans avoir jamais donné d’explication lors de sa réapparition. L’appartement 101 transformé en Musée Atatürk, Mustapha Kemal y ayant séjourné pendant des moments compliqués de sa vie politique. Tout cela assez décati. Mais le prestige du passé auréolait le tout d’une ambiance charmante. Un escalier de marbre avec un beau tapis conduisait aux splendides grilles en fer forgé d’un ascenseur archaïque aux portes encadrées par de magnifiques chandeliers dorés, où un liftier sautait de son tabouret pour vous conduire à destination. Le repas du soir se prenait dans une immense salle à manger avec un orchestre jouant des airs du temps passé Tout baignait dans une atmosphère feutrée et belle époque.
Décision fut prise d’emprunter le bateau de ville pour parcourir le Bosphore, Embarqués à Besikta et, mêlés aux Stanbouliotes vacants à leurs affaires quotidiennes, nous avons zigzagué d’une rive à l’autre du Bosphore au gré des villages et appontements desservis par ces aquabus. Nous avons débarqué à Pyraz pour redescendre vers Istanbul en voiture Nous avons donc pris un « Taksi » à la station à côté du débarcadère Une vieille américaine jaune et noire à deux banquettes dont le chauffeur, parfaite illustration de l’expression « fort comme un turc », c’est avancé la mine joviale et une énorme pipe à la main. Il nous a invité à monter à l’arrière. Un bazar informel s’étalait sur la partie droite de la banquette avant Exécution ! un peu serrés à quatre. Mais bon… L’aventure c’est l’aventure n’est-ce pas ? A quel point ? c’était encore à découvrir ! Qui lui a dit : « Istanbul. Pera Palas hôtel », je ne m’en souviens pas. Il semble avoir répondu « tamam ! evet ! »
Et c’est là que tout a commencé ! Notre homme c’est installé au volant, a sorti de la boîte à gant une sorte de pouch en cuir de la taille des deux poings, il a desserré la cordelette qui le fermait et entrepris de bourrer sa pipe. La tâche s’est avérée plus complexe qu’il n’y paraissait au départ. Il s’est d’abord glissé vers la droite sur la banquette, pour ne pas être gêné par le volant, poussant avec ses fesses, le bric-à-brac qui occupait la place et dont une partie a rejoint le plancher en ordre dispersé Il a alors attrapé du tabac par grosses pincées qu’il a écrasé entre ses doigts au-dessus de la bourse lui servant de blague. Il a répété cette opération à plusieurs reprises Ensuite il a introduit le bol de sa pipe dans le pochon et entrepris, à l’aveugle, de bourrer le fourneau. Après avoir posée soigneusement celle-ci sur la banquette entre ses jambes et refermé le cordon de son pochon qu’il a remis en place, il l’a récupérée et c’est remis derrière son volant. Il s’est retourné vers nous et nous a parlé, le visage interrogatif. Nous avons supposé qu’il nous demandait s’il pouvait fumer. Nous avons hoché la tête de haut en bas et essayé de dire "tamam evet ». Il a eu l’air très satisfait, nous offert son plus beau sourire et prenant dans sa poche un immense briquet à essence, il a allumé son… volcan. Nous ne savions pas encore à quel point cet appareil diabolique allait se révéler dangereux.
Nous lui avons montré sur un plan le chemin que nous voulions prendre pour profiter du paysage et du panorama sur le Bosphore. Encore des sourires et des rafales de mots incompréhensibles. Et nous voilà partis. Toutes vitres ouvertes. Nous avons vite découvert que notre bonhomme se prenait pour Automédon menant le char d’Achille pendant la bataille. Manifestement les freins n’étaient plus qu’un souvenir lointain. Et les trajectoires erratiques, sans doute destinées à éviter les flèches ennemies, eurent vite fait de nous réduire à un silence alarmé. C’est à ce moment-là que la traîtrise du calumet de notre « conducteur » a commencé à se révéler. Il produisait une fumée malodorante : mais surtout il devait être parent proche de La Général car, à chaque bouffée de notre pétuneur de combat, il lâchait avec vigueur des essaims d’escarbilles vicieuses qui, emportées par les courants d’air qui parcouraient ce boulet à roulettes, nous bombardaient en essayant tantôt de nous incendier, tantôt de nous faire subir le sort de Michel Strogoff. Notre Charon conduisait son Char des Enfers avec une désinvolture terrifiante. Il se retournait pour nous parler avec de grands sourires et, pour se faire, attrapait le dossier de sa banquette de la main droite et maîtrisait le volant avec le poignet de sa main gauche, elle-même occupée à tenir sa bouffarde. Nous n’avons rien vu du paysage ! Arrivés à l’entrée d’Istanbul les choses ont changé radicalement. Tête passée par la fenêtre, pipe dans la main gauche et main droite rivée au volant il éructait des rafales de phrases véhémentes qui devaient être destinées à expliquer aux autres conducteurs ce qu’il pensait de leur conduite et de celle de leur mère. Peut-être aussi, grâce à la violence rageuse de son avertisseur, dont il tenait le petit levier de commande sous le volant énergiquement tiré, utilisait-il la méthode homologuée pour progresser dans ces embouteillages pour lesquels les Stanbouliotes semblent posséder un talent particulier. Arrivés devant l’hôtel il a quand même réussi à arrêter son monstre mécanique. Nous sommes descendus pendant que les automobilistes autour de nous semblaient crier « olé » en nous évitant. Notre énergumène est descendu et un groom de l’hôtel c’est avancé. Il a discuté avec notre homme et nous a dit, en anglais, que nous règlerions la course avec notre note d’hôtel Au moment de partir notre homme a réalisé en même temps que moi, que j’avais ma pipe à la main. Tétanisé, je l’avais totalement oubliée depuis le départ ! Il est allé vers sa… voiture et a sorti son pochon pour m’offrir du tabac. Il a pris ma pipe, l’a introduite dans la bourse et l’a bourrée à l’aveugle. Il m’a rendu ma pipe, a sorti son briquet l’a allumé et m’a proposé du feu. Je n’avais guère le choix ! La torche de lance-flamme qui sortait de cet objet antédiluvien était une menace pour la sécurité. Il fallait faire vite ! J’ai aspiré les bouffées de démarrage, l’ai remercié et me suis dirigé vers l’entrée de l’hôtel. Notre danger public est remonté dans son engin et est reparti, pipe au bec, avec un petit coup d’avertisseur d’adieu qui s’est perdu dans les rafales sonores de ceux à qui il avait coupé hardiment la route en repartant. J’étais au courant pour les cerises de la grand-mère. Pas pour le tabac du chauffeur de taxi turc Je n’ai toujours pas trouvé ce que j’ai pu faire pour avoir mérité ça !
Jaufré Cantolys Poète, barde, troubadour...
Messages : 1616 Date d'inscription : 15/09/2013 Age : 55 Localisation : Fos sur Mer
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Dim 5 Juil 2020 - 22:31
Un vrai régal ta prose! C'est rapide, nerveux, exotique, généreux, enlevé... Pour un peu, je me crois en train de relire Bourlinguer de Blaise Cendrars. Je ne sais pas faire mieux comme compliment.
____________________________________________________________________________________________________________________________ "Le poète doit être un professeur d'espérance. A cette seule condition il a droit au pain et au vin, à côté de l'homme qui travaille" (Jean Giono)
Invité Invité
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Dim 5 Juil 2020 - 22:32
Super récit William, on s'y croirait. J'ai conduit en Turquie dans le secteur d'Adana il y a 27 ans déjà... Si on ne klaxonne pas, on n'avance pas. Puis on s'y fait, c'est assez dangereux mais très amusant si on conduit en oubliant le danger et en s'imposant pour passer. Mais pas d'escarbilles dans ma voiture avec des non fumeurs en passager...
Brase d'Anjou Vieux de la vieille
Messages : 5816 Date d'inscription : 22/05/2020 Age : 58 Localisation : Campagne angevine à l'ouest d'Angers
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Dim 5 Juil 2020 - 23:25
Jaufré Cantolys a écrit:
Un vrai régal ta prose! C'est rapide, nerveux, exotique, généreux, enlevé... Pour un peu, je me crois en train de relire Bourlinguer de Blaise Cendrars. Je ne sais pas faire mieux comme compliment.
Tout est dit, bravo william Cette page ferait très bonne figure comme intro d'un bon polar. Alors on attend la suite...
william1941 Poète, barde, troubadour...
Messages : 6310 Date d'inscription : 03/04/2020 Age : 83 Localisation : Garrigue et méditerranée. studio à Paris
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Dim 5 Juil 2020 - 23:56
Ravi que cela vous ait plu. Cette petite aventure est authentique. Octave sait bien sans doute que dans ces régions la vie est émaillée d'incident qui, devenus des souvenirs sont assez drôles. Ce qui n'était pas forcément vrai sur le moment...
L'auvergnat Villageois
Messages : 518 Date d'inscription : 08/01/2020 Age : 75 Localisation : Puy de Dôme et Haut Cantal
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 13:51
Superbe récit, on s'y croirait! J'ai également pris des taxis à Istambul, il y a plus de 50 ans (1967, précisément), c'était déjà l'aventure, sans les escarbilles, mais je me suis vu proposer un certain produit "fumable", verdâtre, un peu couleur olive, avant Midnight express, mais je n'étais pas intéressé, heureusement.
____________________________________________________________________________________________________________________________ Mourir est un manque de savoir vivre...
Munch Clan des anglais
Messages : 2885 Date d'inscription : 11/02/2014 Localisation : Toulouse
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 16:24
Ha ha très belle histoire et très agréablement racontée !
____________________________________________________________________________________________________________________________ Mais ce n'est que mon petit avis, et encore, j'suis bourré.
william1941 Poète, barde, troubadour...
Messages : 6310 Date d'inscription : 03/04/2020 Age : 83 Localisation : Garrigue et méditerranée. studio à Paris
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 16:32
L'auvergnat a écrit:
Superbe récit, on s'y croirait! J'ai également pris des taxis à Istambul, il y a plus de 50 ans (1967, précisément), c'était déjà l'aventure, sans les escarbilles, mais je me suis vu proposer un certain produit "fumable", verdâtre, un peu couleur olive, avant Midnight express, mais je n'étais pas intéressé, heureusement.
juré, c'est du tabac: "verdâtre un peu couleur olive"!
Brase d'Anjou Vieux de la vieille
Messages : 5816 Date d'inscription : 22/05/2020 Age : 58 Localisation : Campagne angevine à l'ouest d'Angers
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 20:00
Pas mal !
Mais sérieusement, comment ça se fume ce truc. Ça se coupe et ensuite ça s'émiette ?
william1941 Poète, barde, troubadour...
Messages : 6310 Date d'inscription : 03/04/2020 Age : 83 Localisation : Garrigue et méditerranée. studio à Paris
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 20:05
Brase d'Anjou a écrit:
Pas mal !
Mais sérieusement, comment ça se fume ce truc. Ça se coupe et ensuite ça s'émiette ?
Juste avant d'aller manger
ROPE, TWIST :
La coupe "Rope / Twist" se traduit littéralement en "Corde / Torsion". Comme son nom l'indique, cette coupe se présente comme un tabac "non coupé" en forme de longue corde torsadée. Cette conception empilée et tressée est très originale. Fumer du "Rope" (ou du "Twist") demande une maîtrise de bourrage très particulière. En effet, il faudra déjà découper le tabac en morceaux avant de pouvoir bourrer votre pipe. Certains utilisent même un coupe cigare pour se créer des portions appropriées. Ces tabacs "à corde" requièrent une expérience certaine en tant que fumeur. Attention, cette coupe donne lieu à des tabacs avec un goût fort. Bon appétit!
Brase d'Anjou Vieux de la vieille
Messages : 5816 Date d'inscription : 22/05/2020 Age : 58 Localisation : Campagne angevine à l'ouest d'Angers
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 20:08
Merci, de même
Invité Invité
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 20:46
Images du Honduras:
Jaufré Cantolys Poète, barde, troubadour...
Messages : 1616 Date d'inscription : 15/09/2013 Age : 55 Localisation : Fos sur Mer
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 22:20
Est-ce que ça se chique? (on dirait du chorizo corse, ça donne envie de croquer dedans)
____________________________________________________________________________________________________________________________ "Le poète doit être un professeur d'espérance. A cette seule condition il a droit au pain et au vin, à côté de l'homme qui travaille" (Jean Giono)
Invité Invité
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 22:54
Faut essayer
Munch Clan des anglais
Messages : 2885 Date d'inscription : 11/02/2014 Localisation : Toulouse
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mar 7 Juil 2020 - 23:27
Octave a écrit:
Faut essayer
J'ai de très bons souvenirs de cette horreur à jeun. Ça mériterait une poésie façon Jaufré si j'en étais capable.
____________________________________________________________________________________________________________________________ Mais ce n'est que mon petit avis, et encore, j'suis bourré.
Invité Invité
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mer 8 Juil 2020 - 9:50
Munch a écrit:
Bien sûr ça va le faire, faut pas se faire influencer par ces flipettes
Attention par contre, c'est un Virginia oui, mais diablement préparé : je ne comprends même pas comment on peut sentir que c'en est un. Je veux dire, le goût c'est celui des résidus de barbecue passés au four crématoire et frottés contre des pneus de vacanciers Belges sur la rocade de Saint Jean de Luz en août. Je connais pas le Brown, mais c'est pas trop ce qui ressort en lisant les zuns zé les zautres.
Oui, encore un truc du temps du Méxicain... [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
g00debriar Habitant récent
Messages : 260 Date d'inscription : 10/05/2020
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC Mer 8 Juil 2020 - 17:47
william1941 a écrit:
Istanbul 1984
DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC
Nous étions à Istanbul logés au Pera Palas. Bien avant sa rénovation. Ancien terminus de l’Orient Express, il avait encore le cachet d’un passé fastueux qui avait vu séjourner dans ses appartements des têtes couronnées et des célébrités. La chambre 411 d’où Agatha Christie a mystérieusement disparu pendant une semaine sans avoir jamais donné d’explication lors de sa réapparition. L’appartement 101 transformé en Musée Atatürk, Mustapha Kemal y ayant séjourné pendant des moments compliqués de sa vie politique. Tout cela assez décati. Mais le prestige du passé auréolait le tout d’une ambiance charmante. Un escalier de marbre avec un beau tapis conduisait aux splendides grilles en fer forgé d’un ascenseur archaïque aux portes encadrées par de magnifiques chandeliers dorés, où un liftier sautait de son tabouret pour vous conduire à destination. Le repas du soir se prenait dans une immense salle à manger avec un orchestre jouant des airs du temps passé Tout baignait dans une atmosphère feutrée et belle époque.
Décision fut prise d’emprunter le bateau de ville pour parcourir le Bosphore, Embarqués à Besikta et, mêlés aux Stanbouliotes vacants à leurs affaires quotidiennes, nous avons zigzagué d’une rive à l’autre du Bosphore au gré des villages et appontements desservis par ces aquabus. Nous avons débarqué à Pyraz pour redescendre vers Istanbul en voiture Nous avons donc pris un « Taksi » à la station à côté du débarcadère Une vieille américaine jaune et noire à deux banquettes dont le chauffeur, parfaite illustration de l’expression « fort comme un turc », c’est avancé la mine joviale et une énorme pipe à la main. Il nous a invité à monter à l’arrière. Un bazar informel s’étalait sur la partie droite de la banquette avant Exécution ! un peu serrés à quatre. Mais bon… L’aventure c’est l’aventure n’est-ce pas ? A quel point ? c’était encore à découvrir ! Qui lui a dit : « Istanbul. Pera Palas hôtel », je ne m’en souviens pas. Il semble avoir répondu « tamam ! evet ! »
Et c’est là que tout a commencé ! Notre homme c’est installé au volant, a sorti de la boîte à gant une sorte de pouch en cuir de la taille des deux poings, il a desserré la cordelette qui le fermait et entrepris de bourrer sa pipe. La tâche s’est avérée plus complexe qu’il n’y paraissait au départ. Il s’est d’abord glissé vers la droite sur la banquette, pour ne pas être gêné par le volant, poussant avec ses fesses, le bric-à-brac qui occupait la place et dont une partie a rejoint le plancher en ordre dispersé Il a alors attrapé du tabac par grosses pincées qu’il a écrasé entre ses doigts au-dessus de la bourse lui servant de blague. Il a répété cette opération à plusieurs reprises Ensuite il a introduit le bol de sa pipe dans le pochon et entrepris, à l’aveugle, de bourrer le fourneau. Après avoir posée soigneusement celle-ci sur la banquette entre ses jambes et refermé le cordon de son pochon qu’il a remis en place, il l’a récupérée et c’est remis derrière son volant. Il s’est retourné vers nous et nous a parlé, le visage interrogatif. Nous avons supposé qu’il nous demandait s’il pouvait fumer. Nous avons hoché la tête de haut en bas et essayé de dire "tamam evet ». Il a eu l’air très satisfait, nous offert son plus beau sourire et prenant dans sa poche un immense briquet à essence, il a allumé son… volcan. Nous ne savions pas encore à quel point cet appareil diabolique allait se révéler dangereux.
Nous lui avons montré sur un plan le chemin que nous voulions prendre pour profiter du paysage et du panorama sur le Bosphore. Encore des sourires et des rafales de mots incompréhensibles. Et nous voilà partis. Toutes vitres ouvertes. Nous avons vite découvert que notre bonhomme se prenait pour Automédon menant le char d’Achille pendant la bataille. Manifestement les freins n’étaient plus qu’un souvenir lointain. Et les trajectoires erratiques, sans doute destinées à éviter les flèches ennemies, eurent vite fait de nous réduire à un silence alarmé. C’est à ce moment-là que la traîtrise du calumet de notre « conducteur » a commencé à se révéler. Il produisait une fumée malodorante : mais surtout il devait être parent proche de La Général car, à chaque bouffée de notre pétuneur de combat, il lâchait avec vigueur des essaims d’escarbilles vicieuses qui, emportées par les courants d’air qui parcouraient ce boulet à roulettes, nous bombardaient en essayant tantôt de nous incendier, tantôt de nous faire subir le sort de Michel Strogoff. Notre Charon conduisait son Char des Enfers avec une désinvolture terrifiante. Il se retournait pour nous parler avec de grands sourires et, pour se faire, attrapait le dossier de sa banquette de la main droite et maîtrisait le volant avec le poignet de sa main gauche, elle-même occupée à tenir sa bouffarde. Nous n’avons rien vu du paysage ! Arrivés à l’entrée d’Istanbul les choses ont changé radicalement. Tête passée par la fenêtre, pipe dans la main gauche et main droite rivée au volant il éructait des rafales de phrases véhémentes qui devaient être destinées à expliquer aux autres conducteurs ce qu’il pensait de leur conduite et de celle de leur mère. Peut-être aussi, grâce à la violence rageuse de son avertisseur, dont il tenait le petit levier de commande sous le volant énergiquement tiré, utilisait-il la méthode homologuée pour progresser dans ces embouteillages pour lesquels les Stanbouliotes semblent posséder un talent particulier. Arrivés devant l’hôtel il a quand même réussi à arrêter son monstre mécanique. Nous sommes descendus pendant que les automobilistes autour de nous semblaient crier « olé » en nous évitant. Notre énergumène est descendu et un groom de l’hôtel c’est avancé. Il a discuté avec notre homme et nous a dit, en anglais, que nous règlerions la course avec notre note d’hôtel Au moment de partir notre homme a réalisé en même temps que moi, que j’avais ma pipe à la main. Tétanisé, je l’avais totalement oubliée depuis le départ ! Il est allé vers sa… voiture et a sorti son pochon pour m’offrir du tabac. Il a pris ma pipe, l’a introduite dans la bourse et l’a bourrée à l’aveugle. Il m’a rendu ma pipe, a sorti son briquet l’a allumé et m’a proposé du feu. Je n’avais guère le choix ! La torche de lance-flamme qui sortait de cet objet antédiluvien était une menace pour la sécurité. Il fallait faire vite ! J’ai aspiré les bouffées de démarrage, l’ai remercié et me suis dirigé vers l’entrée de l’hôtel. Notre danger public est remonté dans son engin et est reparti, pipe au bec, avec un petit coup d’avertisseur d’adieu qui s’est perdu dans les rafales sonores de ceux à qui il avait coupé hardiment la route en repartant. J’étais au courant pour les cerises de la grand-mère. Pas pour le tabac du chauffeur de taxi turc Je n’ai toujours pas trouvé ce que j’ai pu faire pour avoir mérité ça !
Magnifique,
Je découvre seulement ce texte et j’en remercie l’auteur de nous l’avoir partagé. Comme si on y était !
Bravo !
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC
DU DANGER DU TAXIS TURC, DE SON CHAUFFEUR, DE SA PIPE ET DE SON TABAC