Je vais vous conter ici un résumé de "la geste de Jan de Deuvel et de la noble Dame Matilda"
telle qu'on la raconte encore près de mille ans plus tard dans la Principauté de Mosselbergen.
Bloemen kasteel (le chateau des fleurs) est en effervescence, à la lueur des flambeaux on court à droite et à gauche, on s’active dans la précipitation. Tandis que les bacs de fleurs pendus aux remparts de bois se montrent indifférents à ce qui se passe en dessous d’eux qui donnent son nom à l’humble fortification du jeune baron Jan van Brend dit Jan de Deuvel (Jean le Diable).
Celui-ci est partout, houspillant les uns, encourageant les autres, ici poussant un bourricot rétif, là aidant ses hommes à charger des coffres sur de grandes charrettes. Hommes, femmes et enfants s’agitent et crient dans une incroyable cacophonie et pourtant le grand départ se prépare et petit à petit un certain ordre semble se dessiner dans le brouhaha de la grande cour du petit château.
Voilà qui est bien mais pourquoi ce départ précipité ?
Oh deux fois rien…
Le beau Jan van Brend est tombé totalement, follement et définitivement amoureux de Dame Matilda l’épouse de son suzerain le Comte Adulbert van Graeven. Le petit baron est arrivé à ses fins car la noble Dame Matilda l’aime aussi et elle s’est enfuie avec son bien aimé.
Aldubert a poussé une terrible colère quand il a su l’infidélité de son épouse, pas vraiment qu’il aimât mais son précieux honneur venait d’être terni et ça, ça, ça il ne peut le supporter « Ah non alors ! » « Je les punirais, hurle-t-il à la cantonade, je les lui couperai de mes mains et c’est elle qui les mangera jusqu’à s’en étouffer ! » « Ah les traîtres, ah les chiens, qu’on batte le ban et l’arrière ban, que mon Ost se mette en marche au plus vite pour assouvir mon juste courroux, je veux le voir pendu sans ses attributs à la stupide palissade de bois toute fleurie de son minable donjon ! »
Cela demande un certain temps de réunir l’Ost comtal, qu’arrivent le ban et l’arrière ban. Que le Cocu fulminant prenne le temps dans son énervement d’expliquer la situation à ses gens, buvant ainsi sa honte jusqu’à la lie ! Et plus il explique plus il s’emporte, s’énerve et devient presque inaudible dans sa légitime fureur. Sa folie le secoue, par instant il se prend pour Ménélas trahi par Hélène. « Allons à Troie » l’entend-on fulminer, tandis que dans son dos on parle de son amour insatiable de la chasse qui l’aurait gardé loin du lit conjugal, bien sûr on chuchote cela d’oreille à oreille aucun des nobles seigneurs séant réunis n’aimerait que ses propos arrivent aux pavillons du Comte. « Cinq ans de mariage, dit encore la rumeur et toujours pas d’héritier, est-ce normal ? »
Enfin après trois long jours d’une indicible attente l’armée du Comte
se trouve prête à aller en découdre avec le Baron félon ! »
« Hardy, hardy mort aux traitres ! »
Mais où sont-ils ces traitres ???
Plus personne, plus rien, pas même une botte de paille parmi les champs ravagés par le feu.
La haine du Comte décuple si cela était encore possible, lui qui espérait se nourrir sur le terrain, le voilà obligé de se faire envoyer des provisions sur la route scabreuse qu’il prend désormais !
En effet la baronnie est totalement déserte, le petit peuple a choisi de partir en exil avec son jeune seigneur, car il est aimé Jan de Deuvel, c’est un homme gentil avec tous qui a plaisir à boire, chanter et danser aux fêtes qui avait lieu dans les villages.
Pour la dime et les taxes, il était toujours arrangeable et les soldats qui prélevaient l’impôt recevaient accueil aimable partout où ils allaient.
Revenons aux choses sérieuses, pour l’instant ils sont tous de par les routes cherchant à mettre le plus de distance possible entre eux et le Comte Aldubert.
Jan est un homme avisé et plutôt fin stratège, quand il a compris que son peuple partait avec lui il a fait détruire tout ce qui ne pouvait être emporté. Bruler champs et chaumières.
« Nous avons trois jours avant qu’ils n’arrivent, ça demande un certain temps de réunir toute l’armée du Comte. Ne laissons rien qui put leur servir ou les nourrir car je suis sûr que dans sa hâte Aldubert aura pensé que nous terres pourvoiraient à leurs besoins. »
Quand tout fut prêt pour le départ il fit placer ses meilleurs archers en queue de la colonne, les hommes les plus robustes sur les flancs et le reste en tête. Au centre du convoi, entourée d’une poignée de ses gardes les plus fidèles, il installa Dame Matilda, son bien le plus précieux, son trésor, l’objet d’un amour sans borne qui le transfigurait ! Il est vrai que Dame Matilda était d’une grande beauté, mais aussi doué d’une grande intelligence, d’un esprit vif et curieux.
Donnée toute jeune à un époux qui a plus de deux fois son âge, qui la voyait comme une pierre précieuse de plus à sa couronne comtale, qui la négligeait pour aller chasser et festoyer avec ses amis, elle s’était réfugiée dans la lecture et la poésie tout en rêvant d’aventure.
Certes elle aimait sincèrement Jan van Brend, qui lui avait fait une cour empressée et passionnée quand son vieux mari était à la chasse. Elle avait accepté avec joie de fuir avec lui, sans se douter des proportions que cela prendrait. La voici maintenant vivant cette excitante aventure dont elle avait rêvé durant cinq longues années passées dans la forteresse du Comte Aldubert van Graeven.
Matilda était émue de voir l’amour que le peuple portait à son Jan et à elle-même alors qu’à peine arrivée, elle se trouvait la cause d’un tel bouleversement dans leur vie.
Pour l’instant les choses ne se passent pas trop mal pour les fugitifs qui se dirigent vers l’Est. Ils sont quelques centaines entassées dans des charrettes, sous la protection de moins de cent soldats, un convoi de réfugiés ou mieux de fuyards, et cela se voit. Des fuyards qui achètent
leur nourriture aux peuples qu’ils rencontrent car contrairement à la coutume de l’époque qui consiste à se servir de force sur le terrain, Jan de Deuvel a distribué sa fortune personnelle pour que la colonne paye ce dont elle a besoin, afin de ne pas s’exposer à la colère des populations traversées. Sage et intelligente précaution il est vrai !
Les choses sont moins faciles, bien moins faciles pour le Comte van Graeven et sa troupe. En effet si le petit baron et sa bande avaient bel et bien l’air de gens en fuite, le Comte par contre avec ses chevaliers et ses hommes d’armes rutilant de fer ressemblaient furieusement pour leur part à un envahisseur et les peuples rencontrés réagissaient violemment à leur passage.
La geste de Jan et Matilda, est constituée de moult actes de bravoure et de lâcheté et tant de pages seraient nécessaires à les écrire qu’il m’est impossibles d’en tenir compte en ces lignes.
Bravoure et lâcheté vous ai-je dit, surtout du côté des poursuivant qui passant aux yeux des peuples traversés pour des agresseurs furent traités comme tel. Tant et si bien que les chevaliers et soldats du cocu furieux durent guerroyer vaillamment pour continuer la poursuite. Les lâches ou les réalistes… furent ceux qui désertaient dégoutés des combats sans fin et surtout de la folie tyrannique d’Aldubert qui plus le temps passait, plus les difficultés s’amoncelaient sur sa route se montrait encore plus haineux et obstiné. « Errare humanum est, perseverare diabolicum » c’est ce que devaient se dire ceux qui à bout de nerfs, de courage et de volonté désertaient dans l’espoir de retourner vers leurs foyers.
Après des semaines de voyage à travers la Germanie, Jan de Deuvel, Dame Matilda et leur petit peuple se retrouvèrent à la limite des mondes germanique et slave devant une curieuse chaîne de collines inhabitées séparées les unes des autres par des ravins escarpés.
Et Jan van Brend de décider qu’il fallait monter sur une de ces collines, s’y reposer et attendre l’ennemis en ces lieux. Les hommes qu’il avait discrètement laissés en arrière l’informaient sur l’état déplorable de l’armée du Comte. Ainsi fut dit et ainsi fut fait, sur un relief étendu et boisé surplombant la plaine, on s’installe, on monte des tentes ou des cabanes, on se repose que dis-je, on se refait une santé !
Quant au Comte Aldubert maigre et affaiblit mais plus que jamais bavant de haine et de folie vengeresse il est heureux d’arriver là à son tour.
« On va en finir, les traitres vont payer » s’écrie-t-il et sans prendre de repos il avance avec les restes de son armée vers le but de sa vengeance.
Le petit baron a rassemblé ses hommes au pied de la colline et regarde goguenard la pauvre troupe qui s’avance vers eux, il déclare bien haut :"jusqu'à présent ils n'ont vu que nos fesses, maintenant montrons leur nos dents" ! Puis il lève bien haut son épée et crie ces mots à jamais gravés dans l’histoire de la principauté de Mosselbergen : « VOOR MATILDA » (pour Matilda) et lance la charge.
Il fonce droit sur le Comte en faisant de grands moulinets avec son arme, et le décapite d’un seul coup d’épée. Les hommes d’Aldubert voyant cela ne demandent pas leur reste et s’enfuient bien vite.
Un peu plus tard le vainqueur dira de son ennemi « Il n’avait pas grand-chose dans la tête mais enterrez la quand même avec son corps »
Puis il remonte dans la colline annoncer à Matilda qu’elle est veuve et qu’ils vont pouvoir se marier.
Vu que la région est inhabitée, Jan et Matilda décidèrent d’y faire souche avec leur peuple. Ils découvrent que le sous-sol des collines est composé par une étonnante bizarrerie géologique, de cinquante pour cent de moules préhistoriques fossilisés. Ils baptisent donc leur nouvelle patrie Mosselbegen (montagnes de moules), ils découvriront rapidement par la suite des multiples possibilités offertes par les moules fossile.
Mais cela c’est une autre histoire !
Je vous prie de pardonner les éventuelle fôtes d'autogirafe qui m'auraient échappé,
ces p'tites bééétes sont bien nerveuses et j'ai toujours du mal à toutes les rattraper !
____________________________________________________________________________________________________________________________