A treize heures pétantes je vois entrer Jocelyne dans le hall de l’hôtel. Toujours rigoureuse Jo.
Sauf qu’elle n’est pas seule. Le boss est avec elle !
Holà !
« - Bonjour Monsieur.
- Bonjour, bonjour. »
Deux bonjours ! C’est fête ?
Une main tient le chapeau l’autre est vissée dans la poche de la gabardine.
Jo me fait un petit sourire.
« - Jocelyne, ne perdons pas de temps. Vous avez fait réserver ?
- Oui Monsieur ; »
Et elle disparait vers l’accueil de l’hôtel. Nous, restons plantés en attendant son retour.
Elle revient lestée d’un gars en gilet et nœud papillon.
- Madame. Messieurs. Par ici je vous prie. 
Nous le suivons vers le restaurant, déjà bien occupé, jusqu’à une table ronde dressée avec trois couverts.
Le garçon prend le chapeau et la gabardine du boss et les passe à un autre apparu comme par miracle.
Il tire une chaise pour Jo. Elle s’installe avec l’aisance d’une habituée.
Tiens !
Nous nous asseyons. Le boss bénéficie in-extrémis de l’assistance du garçon.
Je suis prié de me débrouiller tout seul. J’y arrive.
A ce moment un homme en tenue de chauffeur, casquette à la main, s’approche avec une serviette en cuir noir.
Sur un petit coup de menton du boss il la remet à Jo et s’escamote illico.
Mon cerveau est en surchauffe.
Je ne suis qu’un gestionnaire de projets. En charge de la réalisation des opérations de gestion des chantiers irakiens.
Le maître d’hôtel, lui, fait son job. Nous le nôtre.
Pas d’apéro.
Qui va payer ? Faut pas qu’il compte sur moi. Mes bières à la rigueur. Ou alors il triple mon salaire
A ce moment, il se penche vers moi et attaque direct à voix feutrée
- Nous allons avoir une conversation et je vais vous proposer une mission. Vous pourrez l’accepter ou la refuser. Vous comprenez ?
Il me prend pour un simplet ou quoi ?
- Oui.
Enfin, j’ai compris ce qu’il a dit. Pas où il veut en venir.
- Bien. Arrêtez les « Monsieur » . Au cours de ce déjeuner ce sera Jacques pour vous et Louis pour moi. Et il sera bon que l’on nous entende discuter. Vous comprenez ?
- ??? Oui
- Bien Jacques (j’ai l’impression qu’il parle à quelqu’un d’autre).
Il continue penché vers moi.
- Quand Jocelyne ouvrira cette serviette vous ne pourrez plus vous désister. Sommes-nous d’accord ?
Je suis sûr que de la fumée doit sortir de mes cheveux tellement je gamberge.
- Est-ce que je peux avoir quelques indications avant de m’engager ?
-Non.
C’est clair, net et carré.
Il regarde Jo et ajoute : « tout ce que je peux vous dire c’est que si vous acceptez, vous ne le regretterez pas. Ni financièrement, ni pour votre carrière chez nous. »
Donc, la petite Jo, quand elle est Jocelyne est au courant des projets du patron.
- Alors ?
Alors ? alors ? Alors ce n’est pas si simple.
Dans une dernière tentative d’en savoir plus je lance cette remarque de vaudeville: » Qu’est-ce que je vais dire à ma femme ?
- C’est prévu
Bing !
Je me dis : qu’est-ce que je risque ? Ce ne sont quand même pas des bandits de grand chemin ou des agents des services secrets.
Comme on peut être naïf parfois !
- D’accord. De quoi s’agit-il ?
Il regarde Jo….celyne qui dit : « On verra tout ça après le dessert. »
Ouhaou !
 
On mange en échangeant à voix haute et avec animation des banalités sur les chantiers en cours en Iraq. A grand coups de « mon cher Jacques » et de « mon cher Louis ».
Moi, il m’arrive encore de cafouiller. Lui, je ne sais même pas s’il connait mon vrai prénom !
Le repas est à la hauteur du lieu.
Le dessert aussi.
La boisson…  De l’eau minérale !
Lorsque le dessert se termine, un garçon s’approche.
«  Si vous voulez bien me suivre.
Nous voulons bien. Jo emmène la serviette noire.
Il nous conduit à un ascenseur. Nous entrons dans une cabine qui semble nous attendre.
Le liftier appuie sur le bouton du premier étage.
Nous ressortons dans un lobby. Le garçon nous précède jusqu’à une porte, ouvre et nous laisse passer.
Petit salon. Au centre trois fauteuils et une table basse.
Trois cafés arrivent furtivement. Le courant d’air qui les a apportés repart.
Notre garçon-pilote attend en position attentivo-interrogative.
-Laissez-nous.
La phrase n’est pas terminée qu’il a disparu et fermé la porte.

Nous nous asseyons.
- Vous êtes toujours d’accord ?
- … Oui
- Bien. Jocelyne….
Jo pose la serviette sur la table basse et ouvre le rabat.
Alea jacta est !
Elle en sort une collection de dossiers et d’enveloppes.
Lui se lève et lâche « Je vous laisse»
Il tourne les talons, et sort !
J’ouvre la bouche. Jo dit d’un ton sec « Non »
Je reste avec la bouche à moitié ouverte. Ou fermée, va savoir.
La personne qui me fait face n’est plus la Jo que je connais.
Son attitude s’est durcie, son visage a pris une expression sérieuse. Son regard est brusquement dénué de toute légèreté.
Elle poursuit :  « Je vais te briffer sur l’affaire »


Comme j’ouvre à nouveau la bouche, elle dit « Plus tard ».
Je suis si abasourdi que je ne dis rien.
«  Si quelque chose ne va pas, tu m’arrêtes » 
Traduction : je parle et tu écoutes.

Je te tire mon chapeau, c'est prenant et je me surprend
à avoir faim de la suite !

Sincèrement BRAVO, tu sais tenir tes lecteurs en haleine.

Vivement le 3 !!!

J’adore ton style et j’attends la suite avec impatience

la suite ...William  la suite ....

c'est vachement bien écrit mais je laisse le soin à jaufré de le dire mieux que moi


"Ton style net, concis, nerveux, me fait penser à quelqu'un. Je te dirai qui après."

william1941 a écrit:

«  Si quelque chose ne va pas, tu m’arrêtes » 
Traduction : je parle et tu écoutes.

 Tu parles, et on écoute.

Jaufré Cantolys a écrit:

william1941 a écrit:

«  Si quelque chose ne va pas, tu m’arrêtes » 
Traduction : je parle et tu écoutes.

 Tu parles, et on écoute.

Jaufré, voilà le problème:
Tu écris. Je lis
Et même mon tabac est meilleur

Brase d'Anjou a écrit:

Brase Merci
Je vais abuser: s'il est possible d'en rouver une ou la damen'a pas l'air ravie, mais constipée, ce serait parfait.
Parce que quand elle dit ça, elle n'est pas surle point de me faire une déclaration d'amour. Et pour tout dire, moi non plus. Et on est 3. Le boss est avec nous.
Mais si ça te saoule, pas de souci. On utilisera celle-là. C'est pas un boulot. C'est juste pour s'amuser entre pétuneurs.
Merci encore

Brase d'Anjou a écrit:

Super. Exactement la tête de l'animal!