Samedi 8 septembre 1990
Je reprends le travail.
Je consacre une partie de mon temps et de celui de mes démarcheurs à essayer de satisfaire les demandes du commissaire
Il y a eu un petit miracle : l’un d’eux a trouvé trois Remington chariot moyen clavier Azerty
Elles dormaient dans l’arrière-boutique d’un magasin de matériel de bureau.
Depuis quand ? mystère.
Quel prix ? Aïe ! Notre commissaire va sûrement couiner. Mais il ne m’a donné aucune indication dans ce domaine.
Pas de grand chariot.
En fin de matinée je me suis rendu au Consulat. Notre cher ami le consul avait fait changer les fonds des militaires et m’a remboursé les avances faites le Jeudi.
Nous sommes convenus que je ferai l’avance des fonds pour les achats et qu’il me rembourserait sur factures.
A partir de ce jour-là j’ai fait effectuer régulièrement des achats pour Yanbu qu’un véhicule militaire venait récupérer au consulat.
A la mi-octobre le lieutenant m’a invité à me rendre à Yanbu.
Je ne voyais pas très bien l’utilité de ce déplacement.
Je lui et proposé de m’y rendre à la fin-novembre.
Ma femme était venu me rejoindre depuis quelques jours et nous y sommes allés ensemble.
Arrivés sur place j’ai compris.
Le lieutenant avait en charge la mise en place et la gestion d’une véritable base militaire.
C’était impressionnant. Une vrai petite ville avait vu le jour et continuait à s’étendre.
Des milliers de soldats de tous corps, y compris des légionnaires transitaient par là qu’il fallait loger, nourrir équiper.
Des monceaux d’équipements de tous ordres, des véhicules de tous types.
Y compris des hélicoptères et des camions de transports et des porte-chars qu’il fallait garer, entretenir, ravitailler
Un hôpital de campagne, des stock de carburant.
Des bureaux (je me suis souvenu de la moquette, sûrement le sol le plus simple à installer)
Un PX. Des magasins, des ateliers, des hangars.
Le lieutenant nous faisait visiter et je sentais la fierté qu’il avait à me montrer tout cela.
« Vous m’avez apporté une aide inestimable.
Grâce à vous j’ai pu me consacrer entièrement à la mise en place de la base arrière sans avoir à me préoccuper des achats locaux.
Vous ne pouvez pas savoir combien le temps gagné et la tranquillité d’esprit que vous m’avez procuré m’ont été précieux. »
Flatteur va !
Nous avons déjeuné ensemble et parlé un peu de lui.
Il ne se destinait pas à la carrière militaire mais y avait finalement trouvé sa voie.
Il était passé par l’ECAT de Montpellier. Il envisageait de terminer général vers 45 ans !
Il était plein d’enthousiasme.
Je suis reparti en milieu d’après-midi.
Ce jeune lieutenant que j’avais vu les premières fois plutôt dépassé par la réalité s’avérait capable de gérer avec une efficacité évidente- mais sans doute n’était-il plus seul- une opération d’implantation de base militaire.
J’ai révisé mon jugement sur l’organisation de l’armée française.
Tant qu’il y aura des hommes comme ce commissaire-lieutenant, et, peut-être, quelques civils pour les assister, on peut croire que les choses se passeront bien.
J’ai continué à apporter mon concours pendant encore plusieurs semaines.
Début décembre, j’ai retrouvé le commissaire et le Consul pour un déjeuner à la résidence.
Après un repas fort agréable, le lieutenant m’a remis avec un brin de solennité un écusson GSL de l’opération Daguet, un écu en bois portant les insignes du 3
ème RHC ETAIN au dos duquel il a écrit quelques mots de remerciements terminés par sa signature et son cachet de commissaire aux armées et une lettre de remerciement du colonel responsable de la logistique en Arabie.
L’écu du 3
ème RHC et l’écusson GSL Daguet sont dans ma vitrine de souvenirs.
L’adjectif ‘’gentille’’ fait référence à deux occasions un peu particulières ou le Commissaire a pu me dire ‘’c’est gentil’’, pour lui avoir rendu service. On était un peu sorti du strict domaine de l’intendance.
La lettre du colonel est quelque part dans mes vieux papiers.
Les noms sont changés. Les évènements sont romancés mais les faits sont réels.
Les souvenirs humains quelque part dans ma cervelle où ils s’estompent et se transforment. Comme tous les souvenirs.
La guerre s’est déployée.
A Djeddah nous n’avons jamais été menacés par les missiles. Même si toutes les fois qu’il y avait une alerte, les écrans de la télé saoudienne devenaient tout rouge et clignotaient en affichant un message d’alerte au missile. Tout le monde craignait une attaque chimique, un missile venu du Soudan. Rien de tout cela ne s’est produit à Djeddah
Si vous avez le temps allez faire un tour sur google earth.
Vous verrez les traces au sol près du port de Yanbu de cette base qui a été démontée comme elle avait été montée.
C’est impressionnant.