Loursain arrive pile à quinze heures.
Je lui trouve l’air bien détendu. Enfin pour un Loursain.
Il entre dans mon bureau, s’asseoit en face de moi. Sans un mot.
Il sort un ninas et l’allume. Toujours pas un mot.
J’attends. Je reprends ma pipe et la vide.
Je sors ma blague pour la garnir.
Ma parole, Loursain a un sourire au coin des lèvres.
Qu’est-ce qu’il mijote?
Toujours sans parler, il sort une enveloppe de la poche intérieure de sa veste, la pose et la pousse vers moi du bout des doigts.
Je n’y touche pas.
« Ouvre.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Ouvre. »
Je fini de garnir ma pipe et l’allume soigneusement.
Je le regarde fixement. Toujours cette esquisse de sourire.
Je prends l’enveloppe.
Deux feuilles pliées.
Je les étale.
Sur chacune quatre photos.
« Voilà tout ce que j’ai.
- Ce sont tous des personnels de chez nous ?
- Je ne sais pas. Ce sont les types qu’on suit.
- Il y a deux femmes.
- Oui
Il tire sur son ninas.
Tu reconnais quelqu’un ?
- A priori, non. Mais je n’ai pas en tête tous les visages des personnels.
Il me faudra sortir les dossiers pour vérifier.
Brusquement je lâche :
Tu as vu Lacombe ?
Loursain me regarde
Un temps.
- Oui
- Qu’est-ce qu’il voulait ?
- Je ne sais pas.
- Loursain….
- Non je ne sais pas. Je l’ai croisé à la sortie du service.
- Tu veux dire à la DG
- Oui.
- Et tu ne sais pas ce qu’il y faisait ?
- Non. Il sortait. J’arrivais. On s’est salué. Il a filé sans marquer l’intention de s’arrêter.
Tu as du nouveau de ton côté ?
- Rien de solide. Je continue à creuser.
J’ai essayé de voir qui pouvait avoir des liens avec les Pakis, mais jusqu’ici, j’ai fait chou- blanc.
Je patauge. S’il y a des gens de chez nous dans les photos que tu m’as apportées ça va m’aider.
Où plus exactement, ça va NOUS aider.
Il n’y a rien de nouveau de ton côté ?
- Rien si ce n’est que les patrons commencent à mettre la pression. Tu sais comment ça marche
- Oui je sais. Je sais aussi que toute cette affaire est bizarre et qu’il y a des zones d’ombre incompréhensibles
Je vois bien qu’il se raidit
Tout à trac je lui balance
Pourquoi avoir arrêté les intermédiaires ?
Il s’arrête de fumer.
- Je ne sais pas
- Il aurait été plus logique de les garder sous surveillance pour découvrir tout le réseau.
C’est bien comme cela que ça se pratique, non ?
- Oui. En principe mais…
- Et tu ne trouve pas ça bizarre toi ?
Je vois bien qu’il se trouble.
- Il doit y avoir une raison.
- Et la SM ne vous lâche rien. DGSI gentil toutou. Va chercher le nonosse. »
Il se lève brusquement.
« Il faut que j’y aille.
Je t’ai apporté les photos. Tu gardes ça pour toi s’il te plaît.
- Bien sûr. Je te l’ai dit. Tout ce qui se passe ici, c’est entre toi et moi. Le but s’est d’aboutir pour trouver qui est mouillé dans la boîte.
- Je t’appelle pour la prochaine fois. De ton côté si tu as quelque chose…
- Je t’appelle aussitôt. C’est autant mon intérêt que le tien. »
Il s’en va.
Je j’éteins ma pipe. Je me lève pour aller me chercher un café.
Dans le couloir je vois Lacombe quitter de son bureau et suivre Loursain vers le hall de d’entrée.