Coffre, dossier.
Fauteuil, café, pipe, blague, tabac, allumette.
J’ai beau essayer de trouver la logique de toute cette histoire, je n’y arrive pas.
Il ne reste que deux possibilités :
- Je ne suis pas assez malin pour comprendre.
- Ce n’est pas la bonne histoire.
Modestement, j’ai tendance pencher pour la deuxième.
Mais alors, quelle est la bonne histoire?
Plus j’y réfléchis, plus j’ai l’impression que la SM nous manipule.
Tout ce que m’a raconté Loursain ne tient pas debout.
Une seule chose parait plausible : Une opération de désinformation.
Et la SM se sert de nous comme leurre.
Je regarde les plans. Non, cela n’a pas de sens.
J’ai un peu menti à Loursain : s’il y avait eu une tête de chez nous parmi ses huit photos, je l’aurais reconnue.
Alors quatre!…
Il reste un point : d’où sortent les plans?
Crozatier? Possible mais peu probable.
Mais en fait, je ne sais pas si Pierre n’a pas remis un exemplaire des plans aux militaires.
La pipe avance. Le café a disparu.
Essayons de rebâtir l’histoire en partant du principe que la SM, avec le concours volontaire ou pas, de la DGSI, se sert de nous.
Pourquoi veulent-ils accréditer l’idée qu’il y a une enquête?
Loursain a parlé de gars que l’on pourrait retourner.
Mais finalement, je n’ai que ce qui a été raconté à Pierre et ce que m’a dit Loursain.
Aucune preuve directe de cette opération d’arrestation.
Qui, soit dit en passant, n’a pas de sens techniquement. Elles rendent la découverte de la source impossible.
Imaginons que lorsqu’on a dit à Pierre de renforcer la sécurité de son entreprise, ce soit le début d’une de ces opérations tordues dont la SM et la DGSI ont la spécialité.
Tout s’emboîte.
La SM savait que les Pakistanais couraient après le module.
Ils montent une opération pour les leurrer. Ils leur mettent dans les pattes des faux employés de LOGUIDEL.
Ils leur refilent par morceaux des plans modifiés et les laissent transmettre ces plans à l’ISI.
Pour accréditer l’opération, il faut qu’une enquête s’ouvre sur des soupçons d’espionnage à l’intérieur de LOGUIDEL.
Mais plutôt que de nous informer, la SM et, ou, la DGSI préfèrent nous faire jouer un jeu de dupe.
Ils veulent que les Pakistanais sachent qu’il y a une enquête suite au vol des plans.
Cela donnera de la crédibilité aux faux plans.
Allons au bout du vice (mais avec eux ce n’est pas très risqué), les plans ont été truqués de telle manière que, si les Pakistanais arrivent à réaliser le module et l’installent sur un MMP, il leur explosera à la figure.
Ça se tient.
Il reste deux points sans réponse :
Comment la SM a-t-elle eu les plans ?
Pourquoi a-t-on caché à Pierre que les Pakistanais avaient acheté le MMP?
Si j’ai raison, il faut décider demain avec Pierre si on continue à jouer les naïfs, ou si on met carte sur table avec la SM et la DGSI.
Je serais plutôt favorable à la deuxième solution. Au moins pour voir la tête de Loursain!
Ma pipe est morte.
Je décide de rentrer.
Je remets les plans au coffre. Vide ma pipe et sort.
J’arrive dans la rue quand mon cellulaire donne de la voix.
« Henri, c’est Jacques.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? Tu veux déjà ton repas à la brasserie ?
- Ecoute, sérieusement, il faut que je te vois.
J’ai eu des informations qui vont t’intéresser.
- Dis-moi.
- Pas au téléphone. Chez Léon dans une heure.
- D’accord. Tu as l’air inquiet.
- Dans une heure chez Léon. »
Et il coupe la communication.
Du coup, mon projet de soirée tranquille en nursant une vodka bien fraîche, part en fumée.
Six heures quarante-cinq.
Je n’ai pas le temps d’aller chez moi avant de retrouver Lannié.
Je retourne à mon bureau récupérer pipe, blague et allumettes.
Je décide d’aller à pied et pipe au bec jusqu’à la place de la République.