Je choisis une pipe
 
Il arrive parfois que dans la vie d’un homme,
L’avenir s’obscurcisse et le malheur l’assomme.
Et son cœur, alourdit du poids de sa géhenne,
Jusqu’au bord de l’abîme, avec force l’entraîne.
Chaque consolation est vaine et dérisoire.
Le monde est un immense champ de désespoir.
 
J’ai choisi une pipe et j’ai pris du tabac.
Pourquoi? je ne sais pas.
Mes doigts ont posément rempli tout le fourneau,
Pressant soigneusement du bas jusques en haut,
Ces brins qui portent en eux le pouvoir d’étourdir
La force de penser, le poids des souvenirs.
 
J’ai, le regard absent, approché l’allumette.
La fumée à présent enveloppe ma tête,
Envahit mon cerveau, circonvient ma pensée,
Installe avec lenteur dans mon esprit blessé,
Cette sérénité qui permet d’affronter
La douleur qui me poind au lieu d’y succomber.
 
Et si ne disparait cette souffrance atroce,
Pour le moins ses morsures s’avèrent moins féroces.
Peu à peu sa vigueur, s’enfonce dans les ondes
D’apaisante sagesse, dont la fumée inonde,
Avec persévérance, mon cerveau et mon cœur;
Entourant de brouillard ma peine et ma douleur.
 
Rien ne disparaitra de la cause cruelle,
Qui inflige à ma vie la blessure nouvelle,
Dont rien ne pourra plus, jusqu’à l’heure dernière,
Atténuer l’ampleur en aucune manière.
Lorsque cette douleur devient insupportable,
Je choisis une pipe, et je prends du tabac.

"La poésie, ça sert à faire passer la peine". (Et mon luth constellé, Ariane Schréder)

La pipe aussi, si l'on en croit ces vers.
Merci pour cette maîtrise de la langue française, langue que tu sais si bien faire chanter, William.