Minuit trente.
L’heure est aux souvenirs, aux ombres qui s’installent dans les tourbillons blancs et gris que libère ma pipe. Et qui m’incitent à raconter l’histoire de cet homme que la vie a brisé.
A moins que ce ne soit juste un peu de la mienne… Va savoir.
 
PAR LA SOULET    
 
On l’appelait Parla Soulet.
Sa vieille pipe sous le nez,
Qu’on ne voyait jamais fumer,
Ne le quittait presque jamais.
 
Tous les minots de mon village,
Petits gredins ou enfants sages,
Connaissait sa mine sans âge
Et sa démarche d’homme en rage.
 
On l’appelait Parla Soulet.
Hirsute. Ses cheveux frisés
Restés bien longtemps sans laver,
Tout autant sans être peignés,
 
Formaient des touffes emmêlées
Ou le gris, le blanc, dominaient.
Sa barbe, aux poils jamais taillés,
Sur sa veste bleue débordait.
 
On l’appelait Parla Soulet.
Et si on voulait lui parler,
En espérant qu’il répondrait,
Il s’éloignait d’un pas pressé
 
Jamais il ne vous répondait.
Jamais il ne vous regardait.
La pipe entre les dents vissée,
Toute la journée, il marchait.
 
Parfois, près d’un platane hors d’âge,
Il levait au ciel son visage
Et en contemplait le feuillage ;
Les yeux perdus vers les nuages.
 
On l’appelait Parla Soulet.
Nous les gamins on le suivait,
On l’appelait, on le moquait.
Jamais il ne se retournait.
 
Tout en marchant, il débitait
Des mots, que lui seul comprenait.
Nous, derrière, on les répétait.
On se poussait. Et on riait.
 
Mais quand sur notre passage
Se trouvait quelqu’un du village,
Sans colère, d’une main sage
Il nous chassait de son sillage.
 
On l’appelait Parla Soulet.
Son vrai nom était Josué.
Je ne l’ai su que bien après,
Quand il fut mort et enterré.
 
Il avait vécu les carnages
Des soldats de la Grande Guerre
Ses deux fils tués à Arnage
Mirent sa femme dans la terre.




 
Alors il perdit la raison.
Dans les rues, en toutes saisons,
Il répétait son oraison :
Ounté soun lous éfans ? Maï ma fenna ?   (Où sont les enfants ? Et ma femme ?
Ya pas digun din moun oustaù.   (Il n’y a personne dans ma maison)                
Ounté soun lous éfans ? Maï ma fenna ?
Ya pas digun din moun oustaù.
Ounte soun lous éfans ? Maï ma fenna ?……
 
On l’appelait Parla Soulet…..

Encore un magnifique poème qui me tire quelque larme William.

Ah ces personnages singuliers qu'on croisait dans bien des villages. J'en ai peu connu jeune trou du... Que je suis. Celui qui me revient ne devait pas avoir connu de guerre et était plus abordable, mais il restait le bossu du village de mes grands parents. Par nous jeunes trop réduit à son état physique... Ou bobos se derrière mon lycée, que tout le monde moquait, parce qu'il insultait (non sans raison selon moi alors que tous les autres pensait que si) tout le monde et la'cait des cailloux aux ados railleurs. Moi j'aurais toi jours aimé connaître sa véritable histoire et pourquoi il était comme ça.

Merci pour tous ces gens singuliers William.

J’ai matiere a songer pour la journee

Après t'avoir lu, et comme pour Pierrot, ce sont les quelques "figures" de mon village qui reviennent...
Merci William !

Brase d'Anjou a écrit:

Merci Brase.
Ces yeux!