Le Pas de la Case sous la neige est un enchantement. La ville est plus sombre, les rues semblent plus étroites, l'ambiance est plus chaude, et bien que l'aridité des lieux soit à son maximum les excès sont plus jouissifs que jamais.
En revanche, le fumeur de pipe en ce début mars 2022 a bien du chagrin. Les caves à cigare les mieux pourvues n'offrent plus que de rares références, qui ont disparu des plus ambitieux magasins. Je suis reparti avec tout ce que je pouvais de Capstan - à défaut de diversité dans les relations, on cultive les amitiés fidèles.
Et puis je suis tombé sur cet étrange pot.
100% tabac naturel des Pyrénées, sans additif, à consommer rapidement après ouverture (280g tout de même, ça laisse rêveur), et une coupe pas tout à fait plaisante pour bien rouler.
On est quelque part entre le Semois coupe fine et le scaferlati.
84€ le kilo, ça reste une somme mais on est loin du 130€ le kilo de Capstan d'Andorre et du 600€ le kilo de bon tabac acheté en France.
Pour la science, voilà donc ce que donne ce tabac naturel.
Sans aucun doute, on retrouve des éléments du Semois, du 1637 et du gris.
Par contre, il offre une palette de saveurs quasi nulle et sans aucune profondeur.
Peu de goût... peu de goût !
En tout cas pas grand-chose.
Il n'y a ni les délices du Semois, ni les saveurs du 1637, ni la plénitude saturée du gris.
Un peu de sucre, un gris sans caractère, peut-être quelque chose du Bistro noir dont je ne me souviens plus assez.
Sec et farineux, il désertifie la langue. Si vous soufflez par le nez, il se montrera agressif.
Et pourtant, pas désagréable. Faute de mieux, il saurait faire office de référence (ce qu'il est, en vérité).
L'odeur à froid est épouvantable selon ma femme, et très touchante selon moi. Si vous avez le courage de lire le paragraphe qui vient, je vais essayer de vous en donner la saveur.
Elle me rappelle le café des adultes lorsque, enfant, le gris de mon parrain se mêlait aux gitanes sans filtre de mon oncle et aux Marlboro de ma tante. Les visages fermés mais pleins d'astuce cherchaient le meilleur mot qui, d'un coup, provoquerait l'hilarité. On se passionnait pour l'art, la religion, la politique, le mariage, l'agriculture, les sciences, les techniques, les lettres ; mais surtout, il fallait faire verbe.
"j'ai trouvé une formule..."
Les femmes étaient salariées et avaient de bons postes ; les hommes, plus libres, étaient leurs propres maîtres - ils faisaient la cuisine, la vaisselle, et la synthèse entre la science et le travail manuel.
Selon l'humeur, les silences étaient remplis d'extraits d'opéras français, de chansons paillardes, de chants patriotes ou révolutionnaires, ou de très longues poésies.
J'aime bien ce tabac.