Durant un voyage à Munich ce week-end avec les germanistes de ma prépa, j’ai eu l’occasion de passer rapidement chez le célèbre Georg Huber. J’avais bien sûr préparé quelques haltes pipesques, chez ce monsieur ainsi que chez Pfeifen Diehl, autre magasin luxueux dédié à la pipe et aux cigares, où je me suis procuré le McConnell Original Oriental, dont je vous ferai bientôt un retour.
Quelque peu intimidé par l’élégance de l’échoppe et ses trois vendeurs costumés, je me suis adressé directement au grand Georg après avoir parcouru des yeux leurs nombreux rayonnages de pipes et de tabacs. Parmi ceux-ci, majoritairement les mélanges de la maison, qui m’étaient donc parfaitement inconnus. N’ayant presque jamais fumé de mélange contenant de Périque, je lui ai donc demandé de me dégoter sa meilleure « Virginia-Perique Mischung ».
Sans hésitation, il se dirigea vers un bocal rempli du mélange « English Perique », dont le nom m’intrigua. Au reniflage, rien de commun avec ce que véhicule habituellement la notion d’ « English ». Je me suis donc trouvé bien benêt à lui dire : « Hmm, es riecht ja gut » (« ça sent bon »)… Que dire de plus. Une odeur très naturelle où je ne décelais rien d’autre que du virginia. J’ai pris la boîte sans rechigner.
En lui glissant un mot sur la beauté et la richesse de sa boutique, le respectable (mais arrogant) teuton ne trouva rien d’autre à me répondre que : « c’est certain, chez vous ça n’existe pas. »
Me voici de retour au pays - et ce n’est pas désagréable, car la Bavière, et notamment Munich, semble être une région où règnent l’argent et l’entre-soi, où les visiteurs ne sont que tolérés - pour procéder à la dégustation.
Il me semble important de vous préciser que je ne suis pas familier avec l’exercice, et qu’il me faudra sans doute plusieurs bols pour véritablement apprécier ce tabac. J’éditerai ultérieurement ma modeste chronique en conséquence.
À l’ouverture de la boîte, celle-ci ne me semble pas hermétiquement fermée (le couvercle métallique coulisse sans offrir de résistance), cependant le tabac est légèrement humide et bien frais. Celui-ci présente une découpe « loose cut », quelques brisures de flakes sombres, et de longs filaments blonds.
Selon le site (pfeifen-huber.de), il est composé, dans l’ordre de grandeur, de Burley, Virginia, Perique et Black Cavendish.
Je bourre ma pipe - une GBD Poker culottée jusque là avec des Virginias (Capstan, Sir John's Virginia Flake) - de manière très aérée pour commencer, et j’allume en douceur. La fumée est épaisse, veloutée et douce. Si je connais mal le Burley et à peine le Perique, le Virginia commence à m’être familier, et je le trouve discret au premier abord (bien qu’il soit au premier plan en sentant le tabac frais).
Les premières bouffées sont sans complexité, très rondes, et présentent plus l’aspect boisé et de noix (associé au burley ?) que le foin et la fraîcheur habituelle du Virginia.
Ma quête commence : le goût, l’odeur, le son du Perique. C’est d’abord un léger piquant que je sens au loin, et une force discrète à chaque rallumage. Mais au fur et à mesure du bol, cela se dégrossit. J’ai bien du mal à nommer précisément ce Perique, mais je sens un arrière plan un peu poivré, épicé, voire de viande séchée (quelque chose d’animal, à préciser). Bref, quelque chose de vraiment léger, mais de très, très bon. De temps à autres, une petite note sucrée, comme une touche de tendresse qui rend ce tabac réconfortant, tant et si bien qu’il pourrait très bien devenir un compagnon quotidien.
Le Virginia et le Black Cavendish sont habilement maniés : ça ne chauffe pas, ça ne pique pas, mais il y a bien cette rondeur et cette légèreté qui rend le bol appréciable de bout en bout.
Le goût laissé en bouche par la fumée est bon, la room note plutôt discrète.
Voici donc mes premières impressions de cet « English Perique », que j’affinerai plus tard si besoin est.
Merci de m’avoir lu, et belle journée à tous !
Edit : quelques bols plus tard, une explication me vient à l'intrigante appellation "English".
Si on s'en tient aux composants de base de ce tabac, il est vrai que celui-ci ressemble de près à la base des mélanges anglais, sans l'épice latakiée.
Je retrouve en effet la même rondeur chaleureuse, à la fois cette corpulence, cette épaisseur, et cette rondeur sur les bords, d'habitude mise au défi par la puissance du latakia.
Eh bien je l'annonce : pour tous ceux qui ont du mal avec le latakia, ce mélange pourrait bien vous permettre de découvrir les anglais sans douleur.
Et je pense notamment aux amateurs d'aros : le périque reste à mon avis assez doux, et je viens de voir que le tout était légèrement "topé" d'un arôme de périque, en plus des feuilles déjà présentes.
Cette aromatisation peut d'ailleurs mener à un glougloutage si l'on ne fait pas sécher quelques minutes le tabac.