Les tribulations d’un Québécois...
Tourisme sanclaudienSamedi matin, nous sommes donc déjà le 5 octobre. Sachant que je remontais sur Paris avec SmokingDragon et sa tendre moitié, je suis heureux de lui avoir demandé une extension pour le départ jusqu’à dimanche matin. D’abord, j’avoue que je ne me sens pas très bien. Non ce n’est pas un lendemain de veille. C’est la suite de ce virus que je traîne malgré moi depuis Montréal. En soi ça m’étonne parce qu’habituellement je dis à Mélu le soir que je sens qu’un rhume se prépare à l’attaquer et, le lendemain matin, plus rien n’y paraît. En moins de huit heures, le mal n’est plus qu’un mauvais souvenir. Ça met Mélu en rogne, parce que quand elle en attrape un, non seulement il dure une dizaine de jours, mais encore on dirait qu’elle a un prolongement pour chacun des jours où je me suis esquivé... et elle est malade, mais malade, alors que pour moi, tout se passe dans mon sommeil.
Maintenant, c’est mon quatrième jour que j’entreprends. Et ça, c’est vraiment hors normes pour moi. J’ai commandé mon petit déjeuner en bas, au Café de la Poste, ce matin, mais j’ai été incapable de toucher aux croissants. Et ça me désespère d’autant qu’ils semblaient vraiment bons. Mais manger pour être malade après, je n’y tiens pas vraiment, même si je sais pertinemment qu’il est préférable de vomir avec quelque chose dans l’estomac que de le faire à jeun.
On frappe à ma porte de chambre. J’ouvre, c’est Bandit qui veut savoir si j’ai envie d’aller faire un tour à l’atelier de mon parrain. Évidemment que ça m’intéresse. Ça faisait d’ailleurs partie de mes plans. Mais je suis loin de tenir la forme. Ou plutôt, j’aurais la forme d’un mort vivant, ce qui sied à merveille au Passeur. Et, forcément, Bandit est tout autant touriste pédestre que je le suis. Au moins, me dis-je, compte tenu de sa corpulence, je ne devrais pas avoir trop de mal à le suivre. Sans doute même à le devancer.
Quelle erreur ! Il marche vite, trop pour ma condition physique de ce samedi matin. J’ai le souffle court. J’ai beau tenter de respirer par la bouche, j’ai les voies respiratoires complètement congestionnées. Et lui, il parle, mais il parle, que ça m’étourdit. De tout, de rien, des anciens locataires de cet appartement, de ce bar où la serveuse est mignonne, de cet édifice où on a créé la première coopérative de soutien vestimentaire pour les moins bien nantis. Non, ce n’est pas vrai, il ne m’étourdit pas, il me saoule !
― Tiens, ici c’est la première union de travailleurs sanclaudiens qui était là, d’où la plaque commémorative sur la façade de l’édifice.
(étrange, ici même les montagnes fument. Ce n’est pas moi qui en ferais autant aujourd’hui. Pas dans cet état en tout cas.)
― Tu me le dis, si tu trouves que je parle trop...
(Tiens, c’est drôle que t’en parles, j’avis pas remarqué ; je me disais justement que...)
Je n’ai pas le temps de formuler ma réponse que Bandit est reparti dans ses explications, véritable guide touristique. Non. Ce n’est pas vrai. C’est même impossible. Un guide auquel vous poseriez une question et qui, pour toute réponse, vous ferait une conférence de quatre heures. Si jamais vous décidez d’aller visiter saint Claude, vérifiez avec Bandit s’il n’aurait pas un trou dans son agenda. Parce que j’ai peine à imaginer un guide qui soit à ce point verbomoteur. Je parierais presque que la moyenne des Sanclaudiens ne connaissent pas leur ville comme lui. Nous sommes dans la côte et il continue de plus belle. Je n’ai aucune crainte, pour le moment du moins, parce que ça a beau être une montée, nous la descendons.
Mais ce qui m’inquiète, tous ces pas que nous faisons actuellement, à mon corps défendant parce que j’ai peine à le suivre, tout à l’heure nous devrons les faire à l’inverse. Et si, pour l’heure, nous descendons, c’est que bientôt nous devrons monter. Et là ce sera une vraie montée... une espèce de Golgotha. Et je réalise que, n’ayant pas pris mon petit déjeuner, par défaut je n’ai pas davantage pris mes médicaments.
(Je les prendrai au retour, si j’y pense. Enfin, si je peux y penser...)
Encore une fois Mélu me revient à l’esprit. À la maison je n’ai pas à me préoccuper de prendre ou non ces maudits médicaments. Si je les oublie, je ne suis pas long avant de voir « Madame Passeur » comme certains l’appellent, dosette en main, sur mes talons, pour me forcer à les prendre. Il y a plus de dix ans que je suis contraint d’en prendre trois fois par jour. Alors, ça finit par être harassant. Ce n’est pas sans raison que je me suis mis à parler de « mes bonbons », quand j’aborde le sujet. Ça faisait rire ma pharmacienne jusqu’à ce que je lui explique que c’est ma façon de dédramatiser.
― Tiens, là ce sont les anciennes installations de Butz-Choquin. Maintenant regarde, ils sont juste ici. T’es pas allé visiter avec les autres hier matin ? T’aurais dû, ajoute-t-il aussitôt qu’il voit mon signe de dénégation qui devait précéder une réponse orale.
Au moins, il me permet d’économiser ma salive. J’ai bien eu une invitation pour y aller, mais hier matin ce n’était pas hier soir. Je n’avais pas encore passé le papier de verre sur un quiproquo vieux d’une décade. En certaines circonstances, c’est pratique avoir de la mémoire. Mais, contrairement à ce que certains qui en sont plus ou moins totalement dépourvus pourraient croire, en d’autres occasions c’est une plaie pire que les sept connues par l’Égypte pharaonique et j’irai jusqu’à dire les sept réunies. Oui, avoir de la mémoire c’est parfois une véritable malédiction.
― Je vois, ici, l’affiche des pipes E. Cretin, dis-je pour ralentir le pas.
Je suis à bout de souffle et je me dis que peut-être que ça permettra à mon guide de constater mon état. Au point où j’en suis, je me moque bien de passer pour quelqu’un qui n’a pas d’envergure, qui abandonne au premier obstacle. Si ça peut lui servir de prétexte à se payer ma fiole face aux autres, tant mieux pour lui. Moi je n’en peux tout simplement plus. Je dois ralentir le pas, et comme je ne vois pas d’autre solution pour pouvoir souffler, ne serait-ce qu’un peu...
(Légère digression, chez moi ce patronyme n'existe pas à ma connaissance. Il a peut-être déjà existé dans le passé, mais compte tenu de sa signification telle que donnée dans les dicos, j'aurais tendance à croire que le nom aura alors été changé pour sa variante valaisanne. L'ancien premier ministre canadien en était d'ailleurs un...)
― Fermé, se contente-t-il de répondre, apparemment sans même souffler.
(Bon sens, est-il équipé de piles Energizer ?)
(J’ai peine à respirer ; je ne sais pas comment il fait. Et dire que je m’imaginais vu sa corpulence que je lui ferais tirer la langue. J’ai présumé de mes forces et j’ai très nettement sous-estimé les siennes !)
― Ici, ce sont les pipes Genod, P. Viou... Ne te décourage pas, on arrive, c’est juste au coin de la rue, là.
(Je le sais, il dit ça pour me donner du courage. Après, ce sera dans encore deux cents mètres, puis un autre cent, puis encore un autre cinq cents, jusqu’à ce que je sois vraiment crevé. Assez ironique, se débarrasser du Passeur pour prendre sa relève... Et dire qu’il va falloir remonter cette foutue côte qu’on vient de descendre. Oh merde, non il ne m’a pas menti, je me souviens quand j’ai fait mon repérage sur Google Earth, je me souviens bien, « l’Atelier » nous arrivons réellement.)
― Tiens, tu vois, nous sommes arrivés. Oh mais dis donc, t’as vraiment pas la forme, toi, aujourd’hui. Tu tires la langue, on dirait que t’es sur le point de mourir. T’as trop fêté hier ? Non, je t’ai vu, pas plus de deux coupes. Et t’as pas même fini ta première coupe de mousseux.
(Non, ne t’en fais pas, c’est un air que je me donne pour mieux intégrer mon personnage... Non, si tu savais, mon cher ami, à quel point t’es près de la réalité... !)
Nous entrons au moment où Pierre s’apprête à changer de pièce. À peine nous a-t-il salués et tendu la main qu’il s’excuse de poursuivre sa journée. Nous discutons quelques minutes avec les quatre qui sont déjà dans la pièce, arrivés avant nous (ils n’avaient décidément personne qui traînaient la patte, eux). Puis, me doutant que Gianni est de l’autre côté, je décide d’y aller moi aussi.
Certes, Pierre est d’une plus forte stature que moi, mais je l’ai néanmoins vu, au moment où il a quitté la pièce où nous étions, se pencher. En conséquence, il doit y avoir un obstacle. Je décide donc d’agit par mimétisme et me penche moi aussi. Grand bien me fait d’avoir suivi son exemple, ça m’a évité d’embrasser une poutre qui fait bien dans les 15 à 20 cm de côté. C’eut probablement été mon coup de grâce.
― Gianni n’est pas là ?
― Non, il ne vient pas le samedi.
C’est contraire à ce que je croyais, mais je ne me priverai certainement pas de l’occasion que m’offre l’intimité pour échanger avec Pierre quelques banalités, mais je constate rapidement malgré tout que ce bonhomme-là est du même type de bois que moi. Au bout de dix minutes, j’ai l’impression de le connaître depuis un demi-siècle.
Un geste, un hochement de l’épaule pour dire qu’il doit continuer à travailler, ce que je peux comprendre évidemment. Puis il repart vers l’autre pièce, par-delà la poutre hypocritement traîtresse. Je le suis sur ses talons et il me prévient de me tenir sur mes gardes, précisément à cause de cette poutre.
― Je l’ai remarquée, tout à l’heure.
― Elle t’a eu ? T’en fais pas, t’es pas le premier.
(Je sens vaguement un sourire dans sa voix.)
― Non, c’est moi qui l’ai eue ; je t’ai vu te pencher quand tu es venu de ce côté-ci. Alors je me suis dit que tu ne le faisais certainement pas sans raison...
Nous arrivons dans la pièce par laquelle on a accès à l’Atelier. Avec les nouveaux arrivés, nous approchons maintenant la quinzaine. C’est beaucoup trop pour le sauvage que je suis. Ne l’oublions pas, je suis un travailleur solitaire. Certes la quinzaine ce n’est pas si énorme que ça, quand nous étions plusieurs dizaines hier soir. D’accord. Mais tout est relatif. Cent personnes dans un stade c’est peu. Mais une demi-douzaine dans une salle de toilette, et on se marche sur les pieds. Et dans le cas présent, j’ai déjà suffisamment de peine à respirer sans qu’en plus on vienne me chercher l’air dans les poumons.
Dragon a mentionné hier soir qu’on pourrait visiter les installations de Chacom. Je vais donc prendre un peu d’avance et monter à la rencontre d’Antoine Grenard. J’aurais aimé continuer à discuter avec Pierre, d’autant que je sens un très fort courant de sympathie avec ce bonhomme-là et j’ai l’impression qu’il y a réciprocité. Mais il y a définitivement trop de monde dans cet atelier exigu. Pis encore je suis à peu près convaincu que je n’ai pas encore vu le gros de l’affluence.
Je quitte donc en catimini, comme un sauvage, sans même saluer Pierre ni les autres bouffardeurs présents pour éviter de donner le signal d’alarme, le coup de départ vers mon chemin de croix, le long escalier donnant accès aux ateliers de Chacom. Bien sûr je regrette de partir de la sorte. Quand est-ce que je pourrai revenir à saint Claude ? Quand pourrai-je revenir voir Pierre ? Le pourrai-je jamais ? Mais j’étouffe.
De peine et de misère j’arrive au haut de l’escalier biscornu dont on dirait que les plans ont été dessinés par l'architecte Numérobis pour m’entendre appeler et me faire dire que je n’avais pas à monter aussi haut, Antoine nous attend plus bas.
(
Google Earth)
― Merde !
Je redescends. Au moins c’est plus facile que de monter. Et je rejoins le groupe et nous parcourons les installations, examinons l’outillage, mais manque malgré tout le plus important. Il eut été (selon moi) nettement plus agréable de voir le personnel à l’œuvre. Tout intéressantes qu’elles soient, les explications fournies par Antoine n’ont aucune mesure avec l’intérêt que peut avoir le fait de voir le personnel œuvrer avec l’outillage en question. Je reste donc sur ma faim sur ce plan. Dommage. Vraiment dommage. C’eût été tellement plus agréable. Et tellement plus instructif. Ne dit-on pas, fort à propos, qu’une image vaut mille mots ?
Reste qu’Antoine Grenard me donnera raison même si nous ne nous sommes pas concertés lui et moi, même si je ne lui ai pas soufflé la solution (je ne prétends surtout pas être mieux ni plus intelligent que lui), ni avant ni après, mais reste que l’année suivante il prendra les dispositions pour que la visite se fasse un jour de semaine où le personnel sera sur les lieux pour activer la machinerie.
Je repars, en fin de compte, sans entrain, seul avec moi-même et mon malaise pour m’accompagner. Au moins, en étant seul, j’irai à mon rythme, sans me sentir contraint de marcher plus vite que mes capacités, sans obligation de dire aux autres que je ne marche pas vite parce que je suis malade. J’ai horreur de me plaindre tout comme j’exècre l’idée de me faire prendre en pitié. Qu’on compatisse avec moi, avec mes malheurs, soit. Mais me faire prendre en pitié... bordel de merde, ça me fout en rogne. J’avance donc, péniblement, voyant approcher avec hantise la montée de la rue de la Poyat. Je réalise soudain que je ne suis même pas certain d’emprunter le bon chemin. Ce serait finalement le bouquet s’il fallait qu’en plus je me perde dans saint Claude. Certes, il me semble reconnaître les maisons, mais dans un tel bled, est-ce que les maisons ne se ressemblent pas toutes ? On n’a pas ça chez nous. Sauf dans les quartiers neufs, où on se doute, juste à savoir comment les maisons ont été construites que dans cinquante ans, le quartier sera rasé parce qu’aucune maison ne pourra plus tenir. Alors que saint Claude ça a quoi, mille ans à quelques dizaines d’années près? Que ne donnerais-je pas pour n’avoir pas à monter cette foutue côte ! Aucune mesure avec ça. Les maisons sont toutes collées les unes sur les autres, de sorte qu’on ne reconnaît rien.
― ...seur.
Un pied devant l’autre, pas trop vite, en espérant avoir la force nécessaire pour arriver jusqu’au sommet de cette montée, j’avance. D’un pas à l’autre je ne sais toujours pas comment je fais pour avancer, mais j’avance. Enfin, du moins, je pense que j’avance...
― ...seur
Bordel, on dirait presque qu’on m’appelle... Je me retourne pour m’assurer que ce ne sont que des hallucinations inhérentes à mes problèmes de santé. Mieux valent deux précautions que pas du tout. Et ma hantise devient cauchemar. En personne, Bandit qui rapplique et je le vois les mains en l’air qui me fait signe de l’attendre.
― Bandit ? qu’est-ce tu fais là ?
― Y a une éternité que je t’appelle.
― Tu dois avoir des éternités courtes parce que... Enfin, je te préviens, Marc, je suis incapable d’aller à ton rythme.
― Qu’est-ce que t’as ?
― Je sais pas ce que j’ai, mais je suis malade.
― Toute la bande nous attend pour aller déjeuner au resto.
― J’ai pas faim, je te dis que je suis malade. Je peux bien y aller pour ne pas casser le party, mais attends-toi pas à me voir faire la fête. Je me sens nettement plus en forme pour aller me coucher que pour faire la fête.
Nous voilà donc partis pour un autre resto (Ma parole, y pensent rien qu’à boire et manger, les Français !) où nous retrouverons entre autres NoSmokingDragonette et SmokingDragon qu’elle promène partout, un peu comme un bijou précieux, Blue Eyes, Gianni, Watson, Hinomura, Norsum, Syl20, Harry Dickson...
Bien sûr, histoire de ne pas trop alarmer les autres (y a assez de Bandit qui le sait sans que tout saint Claude et ses visiteurs sachent que je couve quelque chose de pas catholique), je mangerai un peu, mais pour utiliser une expression bien de chez nous, je pignasse plus que je ne mange. De toute façon, même pignasser, je ne le fais pas avec appétit. Bref je joue davantage avec mes aliments que je ne mange, un peu comme un enfant qu’on forcerait à manger son brocoli.
― Qu’est-ce que vous faites cet après-midi, demande quelqu’un que je n’arrive pas à identifier.
Pour ma part je tiens à retourner voir la Collection Rothschild au musée. Cette exposition devait se clôturer une semaine avant l’intronisation et c’est à ma demande expresse qu’elle a été prolongée pour que nous ayions la chance de la voir. Par ailleurs, je suis pleinement conscient que mes chances de la revoir dans le futur sont pour le moins minuscules.
Ensuite, je veux passer chez Gaël Coulons pour y récupérer une écume pour laquelle je lui ai commandé un nouveau tuyau. C’est un dossier qui traîne depuis un certain temps et tant qu’à être à saint Claude, je voudrais bien repartir avec ma pipe.
― Repasse ici en t’en allant chez Gaël, on y va aussi, répliquent en cœur Gianni et Watson.
Syl20, lui, préfère, comme moi, retourner lui aussi au musée. Et profiter de cette exposition. Et, tant qu’à être entrés, nous en profitons tous deux pour aller faire un tour du côté de la taille de diamants, jadis une des spécialités, avec la pipe, des Sanclaudiens.
Au passage, notez que cette pipe, une création de Pierre Morel, est l'oeuvre qui lui aura valu son statut de Meilleur Ouvrier de France. Puis nous revenons, Syl20 et moi du musée de la pipe et du diamant, mais ne trouvons plus personne au restaurant. Nous décidons donc de poursuivre jusque chez Gaël, pour se retrouver avec tout ce beau monde qui devait nous attendre et qui, manquant de patience semble-t-il, ont décidé de venir nous attendre ici plutôt qu'à l'endroit convenu.
Certains en ont profité pour acheter. Quant à moi, mes finances étant quelque peu limitées, je me contente de la réparation de ma pipe. Je sens de la tristesse chez Gaël. Jusqu'à la toute fin, il a espéré que je veuille bien lui rétrocéder cette pipe dont une sœur fait partie de la Collection Rothschild. Mais je confesse que je n'ai pas du tout envie de la laisser ici. Trop longtemps je l'ai attendue pour être maintenant prêt à m'en défaire. C'est, en passant, à partir de l'image qu'il a conservée de sa sœur qu'il fabriquera le tuyau pour la mienne.
― Où est-ce qu'on dîne ce soir? questionne Bandit.
(Non mais ça se peut pas! Ils n'ont même pas commencé à digérer le déjeuner que déjà ça va se remettre à parler de bouffe. Personnellement j'ai ma dose, j'ai été incapable de manger ma salade ce midi, c'est nettement trop tôt pour songer à m'asseoir devant une assiette.) Je récupère mon écume géante et m'esquive en douce.
Sitôt arrivé à l'hôtel, sachant que j'ai un peu de temps devant moi, je me déshabille et file sous la douche. Cette fois, c'est moi qui aurai des serviettes sèches au sortir de cette douche bienfaitrice. Et je prends mes aises. Jusqu'à ce que j'entende frapper à la porte.
― Un instant. Je suis sous la douche, je prends donc le temps de m'essuyer.
...Salut Marc. Je te préviens d'avance, non je n'irai pas manger ce soir.
― Ce n'est pas pour ça que je venais te voir. Tu as dit à Demosthène que tu allais déjeuner demain chez lui.
― C'est pas tout à fait ce que je lui ai dit... l'entente qu'on a eue, c'est que moi personnellement, je suis à pied pour rentrer à Paris. En conséquence, c'est avec toi que je le faisais. Quand il m'a parlé d'arrêter, je lui ai dit de prendre les dispositions avec toi. Si tu acceptais d'arrêter, j'arrêterais, mais dans le cas contraire, je ne me sentais pas en position de te forcer la main. C'est ça que je lui ai dit. Par ailleurs, je ne me sentirai pas lésé si tu décides de passer ton chemin. Je ne sais pas quelle sorte de virus j'ai pris, mais même si on arrête, je n'ai pas l'impression que j'en tirerai profit.
― Et combien de temps tu comptes être chez lui?
Absolument aucune idée. Tu ne m'as pas bien compris, Marc. En fait, c'est à toi de décider ça. Si on arrête et c'est toi qui décides, on y arrivera à l'heure approximative que tu auras choisie et on partira quand toi tu le décideras, un point c'est tout. Pour le reste, moi je m'en lave les mains, fais-je en finissant de m'éponger la tête.
P.s.: j'ajouterai ceci pour m'assurer que les choses soient claires: ne vous méprenez pas. Bandit est, contrairement à ce qui pourrait sembler au lu de ce témoignage, un extraordinaire guide. Pour peu que je sois en santé, sans la moindre hésitation, j'accepterais de faire un bout de chemin avec lui. Et même d'être guidé par lui