Je vous ai dit il y a quelques temps que j'étais en train de travailler sur des cas compliqués. Voici sans doute la pipe la plus amochée que j'ai eu à restaurer jusqu'à présent :
Elle était tellement abîmée qu'heureusement je l'ai fait venir avec quelques autres, sinon j'en aurais eu pour plus cher de frais de port que d'achat de pipe. Mais vu le prix (2 euros), je ne prenais pas trop de risque. Et puis il y avait un petit détail dont je vous parlerai tout à l'heure. En attendant la pipe c'était çà :
Un fourneau en ruine et complètement brûlé et rongé : la photo est un peu floue mais ma main tremblait d'indignation lorsque je l'ai prise
MAIS : rongé ou pas, brûlé ou pas, le bois était beau :
En outre la tige présentait un anneau noirci : la pipe a vraiment dû chauffer.
Et le tuyau était bien entendu très crade : Louxor ne regarde pas
J'ai commencé par passer le fourneau au reamer, mais j'ai vite compris que ça ne suffirait pas. Sous la couche de carbone, il y avait une sorte de couche grisâtre et dure à l'aspect lisse de l'argile
J'ai donc continué au papier de verre.
Je ne pouvais pas me contenter d'une restauration habituelle, et de toute façon vu l'état de la pipe, j'ai décidé de la poncer entièrement . Ce qui permettrait de renover le grain :
Mais il fallait que je retrouve la forme du haut du fourneau. Et une fois enlevé la couche de crasse, ça donnait ça :
Ca n'etait pas très régulier
. Pas moyen de revoir l'intérieur du fourneau, ou alors juste un peu. C'est l'extérieur qu'il fallait retravailler : je décidais donc de poncer (ou plutôt de verrer) l'extérieur du fourneau pour retrouver une forme équilibrée, tout en conservant le frégatage du fourneau qui le fait ressembler de l'avant à une étrave de bateau :
J'ai donc traçé sur le fourneau tout ce que je devais enlever.
Et me voilà parti avec cale et papier de verre 240, mais avec beaucoup de précautions et en m'arrêtant très souvent pour sentir au doigt les reliefs et les arêtes et recommencer doucement. C'est en effet facile d'enlever de la matière, mais on n'a pas encore inventé la râpe à épaissir
Et en contrôlant régulièrement que je n'en retirais pas trop.
Peu à peu je me rapprochais du résultat :
Et au passage, ne dirait-on pas une étrave de barque échouée ?
Ensuite après avoir dégagé de la matière et enlevé le plus gros, passage au papier grain 500, 800; 1500, 2400,3600,4000 bref, de plus en plus fin pour révèler le grain :
Ensuite, passage au nettoyage, eh oui! cotons tiges puis chenillettes grattantes imbibées d'alcool et va-et viens énergiques, puis chenillettes douces toujours imbibées d'alcool jusqu'à ce qu'elle ressorte blanche :
Ensuite mise en teinture. Après plusieurs essais, je choisis une teinture brun rouge assez proche de celle d'origine et qui offre l'avantage d'atténuer un peu l'anneau brûlé sur la tige que je n'ai pas réussi à effacer, car trop profondément brûlé. Ensuite deux couches de carnauba, séchage, polissage ...
Bref, on arrive à ce résultat :
.jpg
On voit encore la trace noirâtre sur la tige.
Et j'ai pu conserver le frégatage (la forme plus large en bas, comme sur les bateaux) :
Et j'adore ce bois
:
Bon, je n'ai pas réussi à la remettre vraiment à neuf, il reste des défauts, y compris un petit accroc dans le fourneau, mais ce n'était pas mon intention. C'est une pipe qui a vécu, bien ou mal. Après tout si elle est dans cet état, c'est que son propriétaire précédent l'aimait particulièrement
(c'est peut-être ça l'amour vache
).
Ah au fait, pour ceux qui n'auraient pas encore remarqué sur les photos, le petit détail important
La signature peut expliquer un tel bois et une telle forme à mon avis
Voilà, je vous ai montré ce qui m'a pas mal occupé depuis quelques jours. J'en ai restauré d'autres, qui paraissaient presque aussi sales mais ce n'était que de la crasse.
Là c'était plus compliqué et je suis heureux d'être arrivé à ce résultat car franchement en commençant je n'étais vraiment pas sûr d'y arriver