A un ami, excellent artisan pipier de son état (Puisse Dieu lui garder toujours la lumière de son feu) que d’aucuns ont déjà ici pratiqué, m’ayant un jour proposé de faire disparaître d’une belle BING quelque éventuel Sandpit par un sablage affectueux, je me suis entendu répondre que, non merci je préférais ma bouffarde au naturel.
La brutalité de ma réponse, toute empreinte d’une intuition fulgurante m’a paru après coup nécessiter une réflexion plus approfondie, de nature à en adoucir le propos.
Car à tout prendre un Sandpit, qu’est-ce donc ???
Le broussin, âme de bruyère qui prend tout son temps pour s’exprimer, rencontre parfois sur son chemin cailloux et autres rugosités qu’il dédaigne de repousser. Bonne âme, il compose avec et les absorbe amoureusement.
De ce fait, est-il raisonnable de condamner cette racine et de la qualifier outrageusement de bousin ???
Dame Nature, réputée généreuse, n’aurait-elle pas dans son immense sagesse anticipé et prévu une évidence qu’il convient d’accepter de nos jours ? Je veux bien sur parler de ces imperfections si incontournables qu’elles donnent du charme à nos existences.
Car à l’inverse, une perfection absolue, beauté lisse et sans aspérités, conception stricte et rigide ne se rencontre pas souvent autour de nous et peut même déplaire. L’arbre pousse selon son gré et même s’il se fait tailler les moustaches, son opiniâtre fantaisie déjouera toujours les principes qui lui sont édictés.
Un jardin est admirable si à travers un plan théorique il lui est loisible de s’exprimer. La nature n’aime pas être contrainte et quand bien même une mathématique rigoureuse lui dessinerait un strict destin, d’amoureuses fantaisies lui permettront de l’exalter. De ces détails nait une folie gracieuse prêtant bien à une addiction amoureuse.
Pas d’ostracisme donc pour ces petits à-côtés que la vie sait si bien nous proposer.
Aznavour le devinait bien ainsi, lui qui d’un phénomène naturel tant combattu par la force de tous les cosmétiques possibles en faisait un hymne ardent :
« On dit de toi que tu es belle
Mes mains le savent et je les crois
J'aime l'odeur de tes aisselles
La soie de ta peau, de tes bras
Je te respire et je m'enivre »
André Manoukian ne parlait pas d’autre chose quand il suggérait à un apprenti chanteur mal inspiré que sa prestation pour charmante qu’elle fût « sentait trop le savon et pas assez la Foufoune » !!!
Sans intérêt donc …
Nos particularités, nos différences sont nos forces. Les détails de nos vies ainsi que nos objets favoris n’échappent pas à cette géniale harmonie universelle, fût-elle triviale nom d’une pipe !!!
Ainsi à mon sens, loin de me répugner, une belle bruyère élégamment tachetée de discrète particularité pour peu qu’elle n’apparaisse pas comme canardée par un tir de chevrotines attire ma sympathie.
Ces Sandpits sont donc aimables et savent conférer à notre bouffarde ce cachet inimitable.
Pourquoi donc s’en offusquer ?
N’est-il pas ???
Bien à vous mes compagnons,
Portez-vous bien,
Frère Cadfael.