Allez, ‘faut bien ressusciter ce fil, que je trouve le plus intéressant du manoir.
Pour ma part, même si mes grands père ont fumé des pipes (y’avait même du dunhill dans le lot !), je ne les ai jamais vu fumer. Pareil pour mon père et ses BC, il a arrêté bien avant que j’en ai des souvenirs. Seule reste sa rotation au culot débordant d’A&C petersen highland cream qui demeure à l’abri des regards dans une vielle boite.
Bref, je considère que malgré cela, je n’ai pas eu de véritable influence familiale.
J’ai commencé à fumer des cigarettes industrielles en 3°(je sais,je sais, c'est tôt
),le jeudi soir au collège, avant un cours avec un ami. Et je me voyais fort contrit car je n’arrivais pas du tout à avaler cette satanée fumée !
Mais bon…l’ambiance était là. La nuit, le froid, les copains, les règles enfreintes…
Puis un soir, une cigarette non crapotée. Et tout de suite, la compréhension de ce que nicotine veut dire. J’ai jeté illico cette tueuse et me suis juré de ne plus jamais en toucher d’autres. La soumission à la nicotine, pas pour moi, merci bien. Oui, j’veux faire mon rebelle mais les drogues et les autres trucs malsains, c’est pas mon dada.
Mais alors quoi fumer ? Puisqu’il faut fumer… Existe-t-il une chose qui produit de la fumée avec un goût intéressant ? Juste ça, quoi, j’suis pas difficile !
Une rapide recherche sur le net et me voici plongé dans l’univers du cigare…
Oui, ça existe, mais c’est cher et pour le côté rebelle, tu pourras repasser. 50 minutes à fumer (et encore, si t’es rapide) un truc qui donne plus l’air bobo qu’autre chose… (El Che, cigare aux lèvres, n’était pas encore d’actualité…).
M’enfin, pourquoi pas ?
Me voici parti à la civette du coin. 4 minutes après, je sortais avec un robusto dominicain (vega fina).
La première expérience n'est pas souvent la meilleure paraît-il...Je concevais. Eh bah maintenant, je souscris.
En moins d’une heure de fumage adossé à un banc dans un parc proche, je compris que le cigare n’était pas pour moi. J’ai gentiment lutté contre la nausée et ai titubé jusqu’à mon chez-moi pour m’affaler comme un ours sur le canapé.
Bon, si je tirai un trait sur les cigares, qu’en est-il des cigarillos ? Le côté dégustation des cigares et l’aspect d’une cigarette en moins cher…
Donc pendant presque 6 mois, je n’ai fumé que des cigarillos au point d’être appelé « le cigarillo man ». Café crème, Clubmaster, Neos…ils ne m’ont pas apporté grand-chose, si ce n’est un apprentissage dans le domaine du tabac « art de vivre ».
Et puis la seconde, l’entrée au lycée. La réaffirmation des goûts disparus pendant l’âge bête.
Brassens, ferrat, brel, blier, gabin revenaient…et avec eux tout l’esprit de l’époque qu’ils contenaient.
Alors…pourquoi pas la pipe ? Depuis gamin, je passe mon temps libre à travailler avec du buis, ou tout autre bois qui passe sous ma main…alors fumer dedans…Et puis, mon côté ours solitaire à contre-courant des autres se sentait titillé…
La vue de deux pipes trônant fièrement au dessus de la cheminée d’une maison dordognaise, une de terre qui dégage un parfum aromatique délicieux et une écume au culot immense, noir et profond….
L’idée s’est inscrite au fer dans mon esprit.
J’étais un bouffardeur dans l’âme. Non, je ne veux pas être de cette génération zapping, qui ne s’ennuie plus! J’ai la chance de penser cela. Alors maintenant, dixit un monstre du cinéma, « ‘faut prendre le temps de prendre son temps ».
Mr Noiret.
Mes moyens financiers étant ce qu’ils sont, j’ai commencé par acheter un bourre pipe et puis mon premier paquet de tabac, du shippers au buraliste du coin.
Et j’ai regardé en boucle les vidéos de Patrick Cornu et de Pierre voisin, attendant fébrilement de pouvoir faire comme eux, et m’entraînant à bourrer dans ces deux pipes, vestiges du passé qui renaissait.
Puis au fil des semaines s’est constituée une petite somme, plus grande que toutes celles que je n’ai jamais eues. 50€ !
Et me voici parti chez mon buraliste où j’ai pris la dernière bruyère qui lui restait sans même regarder son grain ou ses perçages. Une petite Ropp, billard droite, légère. L’archétype de la pipe par excellence.
Bon, l’avenir montrera qu’elle arborait un grain croisé à peu près aligné, 1 sand pit, 4 points de mastic et que le tuyau avait perdu son brillant d’antan.
Mais c’était sans importance. J’avais ma pipe ! Elle n’a plus quitté ma main de la semaine à part pour la cacher des autres. Bah oui, ça se fait en cachette sinon, c’est pas drôle !
Elle était à côté de mon oreiller la nuit, à ma bouche ou dans ma main la journée, me tenant compagnie pendant les devoirs…
Elle prenait des bains de cire pour conserver sa jeunesse…
M’étonne que je sois un éternel célibataire après ça !
Mais il fallait bien lui faire perdre sa virginité à cette drôlesse, un jour…Quand même, je veux bien être galant mais bon…
C’est ainsi qu’un jour où mes parents s’étaient absentés que la mise à feu débuta.
Ce fut…rude.
J’étais devenu homme mais à quel prix ! La langue cramée, la nausée, des rallumages par dizaines, un bourrage trop fort, une mauvaise utilisation du bourre pipe…
‘Pis je ne savais pas comment faire pour fumer ça, moi ! les vidéos se sont toujours arrêtées à l’allumage ! kèkon fait des cendres ? koment qu’on fume ? Quel rythme ?
-Lent.
-Ah, merci pour la réponse. Et ça se traduit comment ?
-Soit ouvert et disponible à ce qui t’entoure…écoute, tu trouveras le rythme.
-Ouais, ouais, j’ouvre mes chakras, j’fous de l’alcool dans ce @à
%# de fourneau, j’y colle le feu et je me taille fumer clope sur clope !
-Suis la natu-
-ZUT !
Je suis retourné remuer tout internet pour savoir comment faire. J’ai découvert les divers forums.
Et je me les suis goinfré pendant des mois. Tous les fils en vrac au début.
Puis je me suis concentré sur un forum à la fois. Mon cœur s’est arrêté ici, l’ambiance étant la plus agréable, le design épuré et clair aidant.
J’ai rabâché, relu, fais des croquis de tout ce qu’il me fallait savoir.
Les termes de la pipe, les grandes manufactures, l’histoire, le nettoyage et les rénovations qui m’ont fait rêver, les tests des tabacs inconnus, la magie de l’écriture et des essais sans relâche…
Et j’ai réessayé de fumer. Toujours un désastre…
Alors j’ai continué. ‘Paraît que certaines sont réticentes au début …
Puis plus de tabac.
Alors je suis allé reprendre un paquet. De l’Amsterdamer ? Oui, je connais ce nom. J’vais tenter !
Eh eh.
AH AH AH AH !
Aaaaaaaaaah.
Quel
.
Tant de promesses à l’odeur et pourtant…
Mais j’ai continué. Persévérant dans la douleur.
Maman.
Malgré tout ce qu’elle me faisait endurer, je l’aimais (diable, j’ai vraiment l’impression de parler d’un être humain là…).
Elle était présente, réconfortante (la pipe hein, pas ma mère
). Elle prenait le contre courant des autres, me confortant dans la quête du bon tandis que l’herbe commençait à s’installer et que les clopes par paquet entier semblaient être normales chez les autres.
Vint l’Amphora. Le tabac du paternel qui le fumait en cachette, le highland cream ayant disparu.
3 paquets se sont succédés parce qu’il était de meilleur facture que les autres. Et qu’il était soi disant neutre et culottait vite. Mouais, comment dire que j’ai jamais réussi à lui trouver un goût particulier…
Puis un fumage divin vint rallumer la flamme de l’espérance.
Un soir, fin août, 22h, Dordogne, un ciel bleu sans nuages, chaleur de l’été, étoiles et lune faisaient l’éclairage… Promenade autour du lac (de l’escouroux pour ceux connaissant la région) un fumage…divin. Un Amphora fort mais avec un léger goût, enfin des fruits rouges ! Un rythme lent, calme. Sorte de communion entre moi, ma pipe et la nature autour…notamment des lucioles.
Allumage et bourrage parfait. Utilité du bourre pipe, pas tasser mais égaliser le tabac…
Pour la seule et unique fois, il ne restait que des cendres …
Puis le voyage continua, La civette spécialisée, le commencement des tabacs « haut de gamme »,(juste ceux qui n’étaient pas disponibles partout…)mac baren, dunhill, peterson,samuel gawith et son full virginia flake que je n’aurai plus l’occasion de voir,
et il disparaîtra des civettes.
Les brocantes, les pipes à deux sous qui en valent plus de 70.
Le cours de l’huile de coude étant exceptionnellement bas…une rotation se formait
.
Un pèlerinage dans la ville sainte qui s’est avéré être une déception cuisante et qui m’éloigna à jamais de st Claude.
Je n’y ai vu qu’une ruine, coincée dans ses principes immuables…des grosses dondons chauves et mal percées…sans âme. Maître Morel est le seul roc face à des usines moribondes.
Saint Claude me reverra mais alors accompagné, lors des intronisations.
Alors, j’ai découvert la section article de fumeurs de pipe. Et ma passion reprenait des couleurs. Elle se nuançait.
Sans être un fan-boy de Mr Van Hove, il m’a ouvert à un aspect nouveau qui ne cesse depuis de grandir. Chercher l’excellence, où qu’elle soit.
Pour autant, jamais je n’oublierai mes débuts, l’excitation des découvertes, l’attente, les déceptions…Les odeurs et les sensations.
Le retour aux sources.
La vie.
Le souvenir d’une soirée d’août…
Holà ! C’est long ! Et ça ne fait que deux ans… je vais finir en petit vieux radotant moi !
Allez les autres ! À vos claviers !