Ce recueil contient trois longs poèmes et un livret.
Ceci en forme de préface de l’ouvrage pour sa compréhension .
En-delà : l’en-delà est tout ce qui est en notre Univers, mais au-delà de nos sens. L’homme a-t-il tous les sens voulus pour percevoir l’Univers tel qu’il est vraiment ? Nous n’avons aucune raison valable de dire oui.
Synchrothèse : la synchrothèse est le principe premier de l’Être où deux forces opposées liées l’une à l’autre ne trouvent jamais le repos dans les bras l’un de l’autre ; mais, dos à dos, s’animent en une danse dont les forces en présence en déterminent la chorégraphie.
Quelles sont ces entités, ces forces ? Quel est le moteur qui les fait tourner ? Voilà les questions. L'esprit qui est fils de l'Être ne peut être, dans son essence, de nature différente…
La synchrothèse est le principe premier de l’esprit créatif où éthique et esthétique unis par la volonté de l’artiste s’affrontent. Ces deux êtres ne s’unissent jamais dans l’œuvre en une synthèse ; mais luttent toujours, opposés l’un à l’autre, dos à dos, en une épreuve de force créant ainsi le mouvement, la vie de l’œuvre.
Le Beau : On trouve une œuvre d’art belle quand, en sa présence, on se sent moins seul. Créer une œuvre d’art c’est créer des présences aux creux des âmes : voilà l’utile de l’art. Le Beau se veut présence en des lieux aussi vastes, nombreux et profonds que sont vastes, nombreuses et profondes les âmes humaines ; et plus encore, le beau peut être une présence en des lieux jamais explorés, sauf par les artistes eux-mêmes, mais qui le seront, un jour, par des consciences aventureuses.
***
Cher éditeur, vous m’avez demandé de m’expliquer sur le sens que pourrait avoir ce recueil. Voici donc, ce que j’ai à vous dire sur le sujet.
***
La poésie est plus que des mots : elle est mot, mais aussi musique et aussi peinture; et je veux composer avec ces trois arts à la fois pour arriver au but que je me donne de retransmettre les vibrations d'une expérience intérieure de l’esprit. Une fois cette expérience vécue on peut, à travers une œuvre philosophique comme " ÉTHIÈM et ÈSTHÉA " qui exprime le concept de synchrothèse (c'est par la synchrothèse que l'on atteint l'en-delà ; la synchrothèse étant un mouvement de l’esprit qui engendre l'esprit; la thèse ou antithèse, dans le cadre de ce livret, étant soit l'un ÉTHIÈM pour éthique ou soit l’autre ÈSTHÉA pour esthétique et vice versa pour l'antithèse) qui, contrairement à la synthèse, ne cherche pas à dépasser les contradictions mais, plutôt, les laisse vivre, complètement, dans leur opposition. C'est de la philosophie en mouvement. La philosophie explique mieux que la poésie, mais la philosophie a un pouvoir de perception beaucoup moins bien développé par sa nature même. Les poèmes que je vous ai transmis sont donc, se veulent être, une tentative de faire naître ces moments synchrotiques, comme un cœur qui bat, dans ce qu'ils nous apportent de révélations à travers nos sens sur la naissance d'un moment d'être, dans l’esprit du lecteur.
En d’autres mots, ce que j’avais l’intuition de faire, dans ces poèmes, c’est d’amener le lecteur dans un autre lieu : l’ailleurs ; ce n'est pas une vision philosophique, ce n'est pas une vérité dont on peut parler, c'est une expérience de l'ailleurs. Qu'est-ce que cet ailleurs ? L'ailleurs est un quelque part dans l'en-delà. Pour atteindre l'en-delà il faut développer avec ses sens et sa conscience une intuition de ce qui est au-delà de nos sens et de notre conscience, mais qui est quand même de cet Univers. Ce qui implique d'aller à la limite du moi sensible ; ce qui peut impliquer, aussi, de plonger, quelquefois, dans une nuit tragique où l'on regarde le néant bien en face sans s'en effrayer ni le fuir.
La philosophie est née des mathématiques et les mathématiques sont nées de l'immuable. L'esprit est mouvant; je ne sais pas si un jour on pourra créer des entités mathématiques mouvantes, mais on peut toujours essayer de créer des concepts philosophiques mouvants qui se rapprocheraient de la vraie nature de l'esprit. Je suis un penseur et un poète, mais je ne suis pas un philosophe. Je peux cependant, comme je le fais avec les notions de « en-delà » et « synchrothèse », essayer d'apporter à l'esprit du philosophe des « entités » à penser qui pourraient être développées. Ces entités sont la formulation d'expériences intérieures que j'essaie d'objectiver. L'expérience vient en premier et est la sève du poète. Les poèmes que je vous ai remis sont une tentative de partager une expérience. Ils doivent être lus comme ça : comme une expérience à vivre et non comme quelque chose contenant des concepts philosophiques que l'on se devrait de comprendre à priori. Il faut se laisser emporter par les mots, par l'âme des mots, par la musique qui est très importante dans ces poèmes, par la lumière particulière qu'ils contiennent ; peut-être, alors, naîtront en vous des visions venues d'ailleurs qui vous seront propres. Bien sûr, on peut essayer de les objectiver (ce que j'ai fait moi-même en écrivant ÉTHIÈM et ÈSTHÉA) mais cela ne devrait venir qu'après avoir fait une tentative sérieuse de vivre l'expérience qu'apporte, ou que devrait vous apporter, ces poèmes; ils sont de nature tragique, ils cherchent la nuit tragique ; ils sont voulus ainsi au départ.
L'homme avant de bâtir demeure a commencé par chercher le lieu où la bâtir ; le coureur des bois précède toujours le défricheur. Ceci fait référence au premier poème qui n'est qu'une grande métaphore dont les images sont empruntées à la vie des gens de la terre. " Habitez la nuit qui vous habite...la terre est là " c'est de cette terre dont je veux parler : cette terre intérieure : ce quelque part dans l'en-delà. Toutes les images se réfèrent à cette terre. Que devient alors le semeur, qui est-il vraiment sur cette terre venue d’ailleurs ? De même pour les autres images empruntées. Tout doit être lu ou relu en fonction de cette notion de base que la terre dont je parle est un quelque part dans l'en-delà. Le deuxième poème est encore moins porteur d'une pensée philosophique. Il se veut encore plus « expérience », il est plus intense à mon avis. Le troisième est un peu une reprise des deux autres, mais il réaffirme et explique, un vers apparu antérieurement : « le silence est le verbe » ce qui explicite les deux premiers. J'espère que cela vous éclaire un peu.
Pourquoi référer à ces vieilles images surexploitées déjà me demanderez-vous ? Premièrement, parce qu’elles sont utilisées ici d’une façon nouvelle ; deuxièmement, parce qu’elles accompagneront l’homme, dans son odyssée, jusqu’à sa disparition ; et, de plus, j’aime ce sentiment des choses qui demeurent.
BÊRNHÄRDT