Entre un tabac de Chalons assez bien achalandé en Dunhill et Davidoff e la gentillesse de mon buraliste de Chagny je commence à obtenir de bien jolies choses : je possède déjà le 965 (pas encore goûté), j'attends un royalty et surtout j'ai le 221b.
Une fois enlevé les photographies morbides, nous avons affaire à une boite sobre, à dominante crème comme on les apprécie chez Dunhill. Il s'agit d'un mélange de Virginia, de Burley et d'un tabac qualifié de "dark fired" : un tabac fumé qui n'est peut-être pas du latakia mais épice et donne de la force aux deux autres tabacs de la même façon.
Pour le découvrir, mon épouse et moi-même sommes allés au bord de l'étang voisin en dépit d'un ciel menaçant, une promesse d'orage tout à fait en accord avec l'impressionnante odeur du tabac assez fortement épicée et prenante lors de l'ouverture quelques heures plus tôt.
Le tabac s'allume très facilement, il se consume assez raisonnablement mais il mérite d'être contrôlé régulièrement pour ne pas trop chauffer.
Les premières bouffées se sont montrées étonnamment douce, sucrées, fruitées, laissant triompher le virginia, et nous rappelant qu'il y avait quelques trouées bleues dans le ciel. Il y a tant de saveurs qu'à moins de fréquenter depuis longtemps un tel tabac, on s'y perd un peu, un peu comme l'appartement de notre détective dans son désordre savamment organisé, mais qui n'en est pas moins élégant et confortable. Des pointes d'agrumes légères et citronnées sont comme les notes du violon sortant le pauvre Watson de sa torpeur.
Puis dès le deuxième tiers du bol les choses deviennent plus sombres, nous amenant très progressivement dans la lande des Baskerville, nous abandonnons le charme de l'appartement de Londres pour quelques chose de bien plus sombre, passant d'abord par le fog nous amenant à devoir deviner les saveurs du début qui s'estompent progressivement pour entrer dans un bois sombre, avec des saveur de foin, d'écurie, de bois fumé, chênes sans doute détruits par l'orage, avec quelques traces de fruits secs, la fumée elle-même semblant plus épaisse. A ce moment il faut savoir retenir son souffle, une inspiration trop forte et le tabac devient agressif, violent, piquant, tandis qu'à la bonne cadence, excessivement lente, il nous fait abandonner le haut de forme au profit d'un deerstalker pour essayer de s'y retrouver au milieu de saveurs puissantes -fortes et pourtant ne manquant pas de subtilité - qui ne sont plus celles de notre confortable appartement victorien, mais celle d'une campagne britannique qui peut selon nos respirations avoir un doux charme rustique ou être incroyablement violente et inquiétante.
Il reste ensuite bien en bouche.
Fumé dans une liseuse en vieille bruyère chacom.