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Un texte qui fait mouche...

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Un texte qui fait mouche... Empty Un texte qui fait mouche...

Message  Epicurix Lun 2 Nov 2015 - 19:26

Bonsoir Ô chers pétuneurs,

Il est parfois des textes qui semblent avoir été écrit pour vous....
Un extrait de livre, un poème, une chanson... Enfin, un écrit qui illustre vos émotions et sentiments mieux que vous n'auriez même osé les penser.
Des textes relatant si bien une expérience passée ou autre événement majeur de votre vie qu'il vous sied sur mesure.
Une description mettant des mots sur cette tranche de vie de la plus parfaite manière qui soit.

Je vous propose de nous en faire part. Je veux croire que savoir le texte que chacun affectionne particulièrement nous permettra de mieux nous connaître. 
Un peu comme qui dirait: "Dis moi ce que tu lis, écoute ou récite et je te dirai qui tu es..."

Vous pouvez tout simplement évoquer l'écrit s'étant intimement gravé dans votre esprit ou bien nous l'écrire afin que nous puissions mieux savoir de quoi il s'agit. Et ainsi mieux appréhender les émotions qu'il suscite en vous...

Ce sont en particulier des paroles de chansons qui chez moi font mouche. De nombreuses de Renaud et en particulier "La pêche à la ligne", "En cloque", ou encore "Morgan de toi".

Mais il est une chanson qui "m'émeut et me transcende" chaque fois que je l'entend.
Un texte de Tri Yann intitulé: "La découverte ou l'ignorance..."

Je vous le propose en intégralité. Et ainsi sans autre commentaire de ma part, vous saisirez combien il est important pour moi et à quel point cela emplie mon être d'appartenir à la contrée chantée...  

Voilà, je vous avais prévenu: je pars souvent dans de drôles de délires. Je suis parfois complètement barré et perché et d'autres fois frappé par la grâce et la poésie.

J'offre donc à vos nobles âmes de pétuneurs "La découverte ou l'ignorance..." et espère sa lecture vous rendre quelques secondes durant songeurs...

"La découverte ou l'ignorance..."


Le breton est-il ma langue maternelle?
Non! Je suis né au Mans où on n'le parle pas.
(J’adapte pour le ressenti personnel, l’original étant :
« Je suis né à Nantes ou on n’le parle pas »)

Suis-je même breton?... Vraiment, je le crois...
Mais de pur race!... Qu'en sais-je et qu'importe?
Séparatiste? Autonomiste? Régionaliste?
Oui et non... Différent...
Mais alors, vous n'comprenez plus:
Qu'app'lons-nous être breton.
Et d'abord, pourquoi l'être?

Français d'état civil, je suis nommé français,
J'assume à chaque instant ma situation de français.
Mon appartenance à la Bretagne
N'est en revanche qu'une qualité facultative
Que je peux parfaitement renier ou méconnaître...

Je l'ai d'ailleurs fait...
J'ai longtemps ignoré qu' j'étais breton...
Français sans problème,
Il me faut donc vivre la Bretagne en surplus
Ou pour mieux dire en conscience...
Si je perds cette conscience,
La Bretagne cesse d'être en moi.
Si tous les bretons la perdent,
Elle cesse absolument d'être...

La Bretagne n'a pas de papiers,
Elle n'existe que si à chaque génération
Des hommes se reconnaissent bretons...

A cette heure, des enfants naissent en Bretagne...
Seront-ils bretons? Nul ne le sait...

A chacun, l'âge venu, la découverte... ou l'ignorance!


____________________________________________________________________________________________________________________________
La découverte... ou l'ignorance...
Quand on voit ce qu'on voit et quand on entend ce qu'on entend on a raison de penser ce qu'on pense.... Laughing
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Message  Epicurix Mer 4 Nov 2015 - 6:17

Alors? Personne pour nous faire partager son texte?......... Crying or Very sad

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Message  Le Passeur Jeu 5 Nov 2015 - 15:50

Extrait de Maria Chapdelaine, un roman de Louis Hémon, écrivain Brestois, venu vivre au Québec au début du XXe siècle où il a écrit ce roman avant de partir en Ontario où il est mort, heurté par un train.

Un texte qui fait mouche... Saint-10
Un texte qui fait mouche... Lys_bl10Nous sommes venus il y a trois cents ans et nous sommes restés...

Un texte qui fait mouche... Lys_bl10Nous avions apporté d’outre-mer nos prières et nos chansons: elles sont toujours les mêmes.

Un texte qui fait mouche... Lys_bl10Nous avions apporté dans nos poitrines le cœur des hommes de notre pays, vaillant et vif, aussi prompt à la pitié qu'au rire, le cœur le plus humain de tous les cœurs humains: il n'a pas changé. Nous avons marqué un plan du continent nouveau, de Gaspé à Montréal, de Saint-Jean d'Iberville à l'Ungava, en disant: Ici toutes les choses que nous avons apportées avec nous, notre culte, notre langue, nos vertus, et jusqu'à nos faiblesses deviennent des choses sacrées, intangibles et qui devront demeurer jusqu'à la fin.

Un texte qui fait mouche... Lys_bl10Autour de nous des étrangers sont venus, qu'il nous plaît d'appeler des barbares! ils ont pris presque tout le pouvoir; ils ont acquis presque tout l'argent; mais au pays de Québec, rien n'a changé, rien ne changera, parce que nous sommes un témoignage. De nous-mêmes et de nos destinées, nous n'avons compris clairement que ce devoir-là: persister et nous maintenir... Et nous nous sommes maintenus, peut-être afin que dans plusieurs siècles encore, le monde se tourne vers nous et dise:

Un texte qui fait mouche... Lys_bl10Ces gens sont d'une race qui ne sait pas mourir.


Aujourd'hui, jour anniversaire de la Nuit des Longs Couteaux, comme le disait Robert Bourassa, «Quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse...»

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le pire, c'est ce qui meurt en nous alors que nous vivons.   —
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Message  Epicurix Mer 11 Nov 2015 - 7:16

Merci à toi Le Passeur pour cette joli présentation.
Et en plus avec les illustrations qui vont bien!!!...... Tu nous soignes.

En revanche malheureusement, pas beaucoup de participations. Nos amis pétuneurs auraient-ils "l'émotionomètre" tellement mal réglé qu(ils en resteraient de glace et qu'aucun texte ne saurait trouvé grâce à leur coeur? (j'en fait p't'être trop là?.........)

Quoi qu'il en soit, merci à toi. Wink

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Message  Le Passeur Mer 11 Nov 2015 - 16:31

tiens, ce texte est un peu long je te le concède, mais pour moi il a sa place ici puisque c'est lui qui a décidé  de mon avenir. Enfin, disons qu'il m'a aiguillé vers le travail que j'entendais faire... Pour ceux qui ne voient pas le parallèle, je rappelle ma précédente insertion dans ce fil. La protection du français est une bataille de tous les instants ici.

La dernière classe
(les contes du Lundi)


Ce matin-là, j'étais très en retard pour aller à l'école, et j'avais grand-peur d'être grondé, d'autant que M. Hamel nous avait dit qu'il nous interrogerait sur les participes, et je n'en savais pas le premier mot. Un moment l'idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs.
Le temps était si chaud, si clair!
On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert, derrière la scierie, les Prussiens qui faisaient l'exercice. Tout cela me tentait bien plus que la règle des participes; mais j'eus la force de résister, et je courus bien vite vers l'école.
En passant devant la mairie, je vis qu'il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches. Depuis deux ans, c'est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la commandature; et je pensai sans m'arrêter:
« Qu'est-ce qu'il y a encore? »
Alors que je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l'affiche, me cria:
« Ne te dépêche pas tant, petit; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école! »
Je crus qu'il se moquait de moi, et j'entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.
D'ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu'on entendait jusque dans la rue, les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu'on répétait très haut tous ensemble en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître tapait sur les tables:
« Un peu de silence! »
Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu; mais justement, ce jour-là, tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte  et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez si j'étais rouge et si j'avais peur!
Eh bien! non. M. Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement:
« Va à ta place, mon petit Franz; nous allions commencer sans toi. »
J'enjambai le banc et je m'assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu'il ne mettait que les jours d'inspection ou de distribution de prix. Du reste, toute la classe avait quelque chose d'extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides d'habitude, des gens du village assis et silencieux comme nous, le vieux Hauser avec son tricorne, l'ancien maire, l'ancien facteur, et puis d'autres personnes encore. Tout ce monde-là paraissait triste; et Hauser avait apporté un vieil abécédaire mangé aux bords qu'il tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses lunettes posées en travers des pages.
Pendant que je m'étonnais de tout cela, M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m'avait reçu, il nous dit:
« Mes enfants, c'est la dernière fois que je vous fais la classe. L'ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l'allemand dans les écoles d'Alsace et de la Lorraine... Le nouveau maître arrivera demain. Aujourd'hui, c'est votre dernière leçon de français. Je vous prie d'être bien attentifs. »
Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah! les misérables, voilà ce qu'ils avaient affiché à la mairie.
Ma dernière leçon de français!...
Et moi qui savais à peine écrire! Je n'apprendrais donc jamais! Il faudrait donc en rester là!... Comme je m'en voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées à courir les nids ou à faire des glissades sur la Saar! Mes livres que tout à l'heure encore je trouvais si ennuyeux, si lourds à porter, ma grammaire, mon histoire sainte me semblaient à présent de vieux amis qui me feraient beaucoup de peine à quitter. C'est comme M. Hamel. L'idée qu'il allait partir, que je ne le verrais plus, me faisait oublier les punitions, les coups de règle.
Pauvre homme!
C'est en l'honneur de cette dernière classe qu'il avait mis ses beaux habits du dimanche, et maintenant je comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s'asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu'ils regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C'était aussi comme une façon de remercier notre maître de ses quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s'en allait...
J'en étais là de mes réflexions, quand j'entendis appeler mon nom. C'était mon tour de réciter. Que n'aurais-je pas donné pour pouvoir dire tout au long cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute? Mais je m'embrouillais aux premiers mots, et je restai debout à me balancer dans mon banc, le coeur gros, sans oser lever la tête. J'entendais M. Hamel qui me parlait:
« Je ne te gronderai pas, mon petit Franz, tu dois être assez puni... voilà ce que c'est. Tous les jours on se dit: « Bah! j'ai bien le temps... J'apprendrai demain. » Et puis tu vois ce qui arrive... Ah! ç'a été le grand malheur de notre Alsace de toujours remettre son instruction à demain. Maintenant ces gens-là sont en droit de nous dire: « Comment! Vous prétendiez être Français, et vous ne savez ni lire ni écrire votre langue! » Dans tout ça, mon pauvre Franz, ce n'est pas encore toi le plus coupable. Nous avons tous notre bonne part de reproches à nous faire.
« Vos parents n'ont pas assez tenu à vous voir instruits. Ils aimaient mieux vous envoyer travailler à la terre ou aux filatures pour avoir quelques sous de plus. Moi-même, n'ai-je rien à me reprocher? Est-ce que je ne vous ai pas souvent fait arroser mon jardin au lieu de travailler? Et quand je voulais aller pêcher des truites, est-ce que je me gênais pour vous donner congé?... »
Alors, d'une chose à l'autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c'était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide; qu'il fallait la garder entre nous et ne jamais l'oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu'il tient bien sa langue, c'est comme s'il tenait la clé de sa prison... Puis il prit une grammaire et nous lut notre leçon. J'étais étonné de voir comme je comprenais. Tout ce qu'il disait me semblait facile, facile. Je crois aussi que je n'avais jamais si bien écouté et que lui non plus n'avait jamais mis autant de patience à ses explications. On aurait dit qu'avant de s'en aller le pauvre homme voulait nous donner tout son savoir, nous le faire entrer dans la tête d'un seul coup.
La leçon finie, on passa à l'écriture. Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belle ronde: France, Alsace, France, Alsace. Cela faisait comme des petits drapeaux qui flottaient tout autour de la classe, pendus à la tringle de nos pupitres. Il fallait voir comme chacun s'appliquait, et quel silence! On n'entendait rien que le grincement des plumes sur le papier. Un moment des hannetons entrèrent; mais personne n'y fit attention, même pas les plus petits qui s'appliquaient à tracer leurs bâtons, avec un cœur, une conscience, comme si cela encore était du français... Sur la toiture de l'école, des pigeons roucoulaient tout bas, et je me disais en les écoutant:
« Est-ce qu'on ne va pas les obliger à chanter en allemand, eux aussi? »
De temps en temps, quand je levais les yeux de dessus ma page, je voyais M. Hamel immobile dans sa chaire et fixant les objets autour de lui, comme s'il avait voulu emporter dans son regard toute sa petite maison d'école... Pensez! depuis quarante ans, il était là à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute pareille. Seulement les bancs, les pupitres s'étaient polis, frottés par l'usage; les noyers de la cour avaient grandi, et le houblon qu'il avait planté lui-même enguirlandait maintenant les fenêtres jusqu'au toit. Quel crève-cœur ça devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d'entendre sa sœur qui allait, venait, dans la chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles! Car ils devaient partir le lendemain, s'en aller du pays pour toujours.
Tout de même, il eut le courage de nous faire la classe jusqu'au bout. Après l'écriture, nous eûmes la leçon d'histoire; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le Ba Be Bi Bo Bu. Là-bas, au fond de la salle, le vieux Hauser avait mis ses lunettes et, tenant son abécédaire à deux mains, il épelait les lettres avec eux. On voyait qu'il s'appliquait lui aussi; sa voix tremblait d'émotion, et c'était si drôle de l'entendre, que nous avions tous envie de rire et de pleurer. Ah! je m'en souviendrai de cette dernière classe...
Tout à coup, l'horloge de l'église sonna midi, puis l'Angelus. Au même moment, les trompettes des Prussiens qui revenaient de l'exercice éclatèrent sous nos fenêtres... M. Hamel se leva, tout pâle, dans sa chaire. Jamais il ne m'avait paru si grand.
« Mes amis, dit-il, mes, je... je... »
Mais quelque chose l'étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase.
Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie, et en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi gros qu'il put:
« Vive la France! »
Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main, il nous fit signe:
« C'est fini... allez-vous-en.»

Alphonse Daudet

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Message  Epicurix Mer 18 Nov 2015 - 6:38

Très très joli texte.
J'avais bien lu ton post et n'avais pas pris la peine de réagir de suite et puis pris par le temps...

Merci déja de ta participation et de sa qualité.
Ce texte est vraiment bien écrit, émouvant et très réaliste. On entendrai presque le merle chanter ou l'instituteur passé près de nous avec sa blouse sentant la naphtaline...
J'ai eu beaucoup de plaisir à le lire et l'ai relu ce matin, avec toujours le même plaisir le plaisir.
Il est des petites pépites comme ça dont on prend une dose de temps en temps, comme un rappel....
Ce texte fait-il parti d'un recueil de contes ou nouvelles?

En tous les cas merci et les autres on vous attend!

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Message  Le Passeur Mer 18 Nov 2015 - 19:04

oui c'est tiré des Contes du lundi d'Alphonse Daudet

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Message  Asmascega Mer 18 Nov 2015 - 21:12

Tous de très beaux textes.

@ Epicurix --> j'ai bien apprécié ce premier texte car je suis Breton de cœur (d'ailleurs les paroles originales me conviennent et ne nécessitent pas d'adaptation, car je suis né à Nantes). Et je me sens d'autant plus concerné que je n'ai jamais vécu en Bretagne, bien que je l'aurais voulu.

@u Passeur --> j'ai beaucoup aimé tes deux textes, mais sans vouloir reléguer l'Histoire du Québec (que je ne connais en fin de compte que de très loin) à un quelconque second plan, je t'avouerais que je te rejoins surtout dans ta croisade pour la protection de la langue française, aussi le texte d'Alphonse Daudet m'a t il vraiment ému.

Merci!


Et pour faire ma part, je voudrais partager un poème de Robert Lamoureux, qui traite de la fatigue.
"Ceux qui ne se fatiguent pas ne méritent pas de se reposer" est une chose qu'autrefois il m'est arrivé de dire, quelques fois à d'autres, mais le plus souvent à moi même pour me convaincre de ne pas tomber dans la paresse (qui m'est un mauvais penchant résultant de mon caractère flegmatique, et que je m'efforce de combattre) et toujours chercher à faire plus et à faire mieux. Mais monsieur Lamoureux parle de ce sujet bien mieux, et depuis que j'ai lu son texte pour la première fois, je préfère le citer, lui:

Robert Lamoureux a écrit:
La Fatigue
V
ous me dites, Monsieur, que j'ai mauvaise mine, Qu'avec cette vie que je mène, je me ruine, Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer, Vous me dites enfin que je suis fatigué.
Oui je suis fatigué, Monsieur, et je m'en flatte. J'ai tout de fatigué, la voix, le cœur, la rate,
Je m'endors épuisé, je me réveille las, Mais grâce à Dieu, Monsieur, je ne m'en soucie pas. Ou quand je m'en soucie, je me ridiculise. La fatigue souvent n'est qu'une vantardise. On n'est jamais aussi fatigué qu'on le croit ! Et quand cela serait, n'en a-t-on pas le droit ?
Je ne vous parle pas des sombres lassitudes, Qu'on a lorsque le corps harassé d'habitude,
N'a plus pour se mouvoir que de pâles raisons... Lorsqu'on a fait de soi son unique horizon... Lorsqu'on a rien à perdre, à vaincre, ou à défendre... Cette fatigue-là est mauvaise à entendre ;
Elle fait le front lourd, l’œil morne, le dos rond. Et vous donne l'aspect d'un vivant moribond...
Mais se sentir plier sous le poids formidable Des vies dont un beau jour on s'est fait responsable,
Savoir qu'on a des joies ou des pleurs dans ses mains, Savoir qu'on est l'outil, qu'on est le lendemain, Savoir qu'on est le chef, savoir qu'on est la source, Aider une existence à continuer sa course,
Et pour cela se battre à s'en user le cœur... Cette fatigue-là, Monsieur, c'est du bonheur.
Et sûr qu'à chaque pas, à chaque assaut qu'on livre, On va aider un être à vivre ou à survivre ; Et sûr qu'on est le port et la route et le quai, Où prendrait-on le droit d'être trop fatigué ?
Ceux qui font de leur vie une belle aventure, Marquant chaque victoire, en creux, sur la figure, Et quand le malheur vient y mettre un creux de plus Parmi tant d'autres creux il passe inaperçu.
La fatigue, Monsieur, c'est un prix toujours juste, C'est le prix d'une journée d'efforts et de luttes. C'est le prix d'un labeur, d'un mur ou d'un exploit, Non pas le prix qu'on paie, mais celui qu'on reçoit. C'est le prix d'un travail, d'une journée remplie, C'est la preuve, Monsieur, qu'on marche avec la vie.
Quand je rentre la nuit et que ma maison dort, J'écoute mes sommeils, et là, je me sens fort ;
Je me sens tout gonflé de mon humble souffrance, Et ma fatigue alors est une récompense.
Et vous me conseillez d'aller me reposer ! Mais si j'acceptais là, ce que vous me proposez,
Si j'abandonnais à votre douce intrigue... Mais je mourrais, Monsieur, tristement... de fatigue.

Je pense souvent à ce texte, qui me motive et me pousse à me dépasser. Je dirais même que j'aspire à mériter la noble fatigue qu'il décrit dans son poème, car à chaque fois que je le relis j'y gagne l'assurance que ce qu'on fait au prix de notre fatigue a infiniment plus de valeur que le repos que l'on aurait pu prendre à la place.

Le poème ne perd pas à être écouté plutôt que lu, au contraire; c'est pourquoi j'y joins aussi la vidéo, pour ceux qui n'aiment pas lire:

____________________________________________________________________________________________________________________________
"Pour ma part, j'aimerais bien fumer confortablement une pipe, les pieds au chaud."
(Gandalf dans Le Seigneur des Anneaux, de J.R.R. Tolkien; La Communauté de l'Anneau; livre II, chapitre III)
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Message  Epicurix Mer 18 Nov 2015 - 22:08

Merci Asmascega,

La aussi un texte vraiment riche. tant par la qualité de l'écriture que par le sens.
Pour être honnête, ce n'est pas une découverte, je le connaissais déjà. En effet, JM Bigard, lui-même fan de Lamoureux, avait repris il y a quelques années ce texte et le récitait sur scène. Je l'avais alors vu en spectacle et découvert ce texte à cette occasion.

Quoi qu'il en soit, voilà un texte qui là aussi défend haut et fort la langue française par la richesse de son écriture.
A n'en pas douter, il a toute sa place dans ce post.

Je veux bien imaginer les émotions qu'il suscite si en plus tu te l'appropries...

Et puis la vidéo bien joué: toujours un plaisir d'entendre les jeux de scènes de ces "vieilles" voix françaises.

C'est bien, la mayonnaise prend. On attend d'autres textes Un texte qui fait mouche... 3562310278

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La découverte... ou l'ignorance...
Quand on voit ce qu'on voit et quand on entend ce qu'on entend on a raison de penser ce qu'on pense.... Laughing
Ben, heuuuu, non, rien de plus...
Epicurix
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