Les tribulations d'un Québécois en Gaule

Oui cette photo est vraiment superbe .
La Bretagne est une région que je connais vraiment très mal en plus 

CEDLAP a écrit:Oui cette photo est vraiment superbe .
La Bretagne est une région que je connais vraiment très mal en plus 

ah mais il te faut faire vite, mon ami. Très vite. D'autant qu'il y a plusieurs Bretons, d'Ille et Vilaine jusqu'à la pointe de Breizh sur la Noble Bouffarde, à rencontrer en personnes. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison que j'y ai consacré une saga. Je serais Français, je t'assure que je serais souvent en Bretagne. Bon c'est vrai que mes racines sont voisines, mais oui, j'adore la Bretagne.
Au passage, à Little Smoke tout comme à toi, merci pour les commentaires sur la photo du port du Conquet

Tu seras à Saint-Claude le 16 octobre cher Passeur  ?

malheureusement non, mon budget ne me le permet pas cette année. C'est l'unique raison je t'assure

Le Passeur a écrit:malheureusement non, mon budget ne me le permet pas cette année. C'est l'unique raison je t'assure

Je comprend bien sûr .

Le Passeur,

Quelques mois d'absence m'ont fait louper ce feuilleton de l'été !

Un régal de bout en bout.

Si ma mémoire n'était pas si lointaine, ça me donnerait envie de compter mes tribulations d'enfant au Québec !

Quoi qu'il en soit, merci pour les pages de ce carnet de bord.

Kherberos a écrit:Le Passeur,

Quelques mois d'absence m'ont fait louper ce feuilleton de l'été !

Un régal de bout en bout.

Si ma mémoire n'était pas si lointaine, ça me donnerait envie de compter mes tribulations d'enfant au Québec !

Quoi qu'il en soit, merci pour les pages de ce carnet de bord.

Ah Kherberos, mon noble ami, tu devrais néanmoins essayer. C'est curieux de voir à quel point les images remontent à la surface! et avec quelle précision !
Quoi qu'il en soit, merci pour ces bons mots

Le Passeur a écrit:

Kherberos a écrit:Le Passeur,

Quelques mois d'absence m'ont fait louper ce feuilleton de l'été !

Un régal de bout en bout.

Si ma mémoire n'était pas si lointaine, ça me donnerait envie de compter mes tribulations d'enfant au Québec !

Quoi qu'il en soit, merci pour les pages de ce carnet de bord.

Ah Kherberos, mon noble ami, tu devrais néanmoins essayer. C'est curieux de voir à quel point les images remontent à la surface! et avec quelle précision !
Quoi qu'il en soit, merci pour ces bons mots  

Ah ! Héraclès, il aimait bien (pourquoi diantre ressemblè-je à un chat sur la photo ?) mettre ses doigts dans mon nez


Non, mais tu as peut-être raison : je devrais essayer de faire une relation des années aux Québec. Ca fait un moment en plus que j'aimerais faire connaître ce pays à mon épouse et mes enfants (ces derniers, après-tout, ont aussi la nationalité canadienne, puisque je l'ai obtenue moi même enfant). Ce serait une bonne manière de se préparer.

Alors sitôt que t'as un peu de temps devant toi, j'espère bien pouvoir te lire là-dessus. J'ai hâte de voir comment on se sent quand on arrive chez nous pour la première fois

Le Passeur a écrit:Alors sitôt que t'as un peu de temps devant toi, j'espère bien pouvoir te lire là-dessus. J'ai hâte de voir comment on se sent quand on arrive chez nous pour la première fois

Je ferai de mon mieux. J'avais 5 ans à mon arrivée, et 12 à mon départ. Des années importantes dans la vie d'un enfant, et donc ça représente pas mal d'années qui me sont, de fait, constitutives. De l'été 1980 à l'été 1987.

Il n'y aura pas toujours de lien entre chaque fragment de mémoire, par contre. Et c'est normal. Je me souviens de plein d'anecdotes qui furent "édifiantes" pour ma petite personne. Je vais y penser bien sérieusement.

c'est là que l'archéologue en toi sera utile... fouiller si loin dans ton propre passé...

Le Passeur a écrit:c'est là que l'archéologue en toi sera utile... fouiller si loin dans ton propre passé...

J'essaierai de ne pas descendre trop bas

Merci cher Frère Cadfaël pour ces bons mots. Je te concède volontiers que jamais, au grand jamais, je ne regretterai d'avoir côtoyé ces gens et ces lieux qu'il m'a été donné de voir lors de ce périple. Preuve en est qu'à peine un an plus tard, j'ai récidivé. J'ai refait le même parcours, l'augmentant avec d'autant plus de plaisir que cette fois-là, même s'il m'en coûtait nettement plus cher, j'ai loué une voiture pour la totalité de mon séjour, ce qui m'a permis cette fois-là, de visiter encore davantage: le Mans, la Picardie entre autres, Strasbourg aussi parce que mon &%#*@# de gps...
De ce périple de 2013 qui m'en a fait voir de toutes les couleurs, je ne regrette pas même la pointe d'une aiguille. Non, je ne regrette absolument rien. Ce furent pour moi un peu plus de trois semaines de pure découverte, de bonheur dont je garderai un extraordinaire souvenir jusqu'à la fin de mes jours. Sans doute en partie parce que c'était un vieux rêve que Pierre Morel me permettait de réaliser en me parrainant à la Confrérie, mais en très grande partie aussi parce que je n'y ai vu que de merveilleux endroits et rencontré (presque) uniquement des gens d'une gentillesse qui m'est allée tout droit au coeur. Et je ne parle même pas de leur générosité à nulle autre pareille.
Au passage, je ne connaissais pas le "petit Gervais" puisqu'il n'est pas commercialisé ici. Je l'ai découvert en France, sans pour autant avoir la possibilité d'y goûter

Mon bon Passeur, tu ne fais guère que confirmer ce qui transpire ( terme choisi en rapport avec une crève carabinée ) de tes narrations... ce qui ajoute au bonheur de leur lecture puisque on s'y plait à croire en le genre humain. Tant que les rencontres sincères et l'artisanat seront au rendez-vous ,tu pourras continuer à tracer ta route.
Je veux juste lever une ambiguïté que tu ne pouvais pas déceler lors de court séjour.
En effet   Gervais au-delà d'être un prénom est une marque de produits laitiers déclinée en plusieurs gammes !
Or tu as dû rencontrer les fameux petits suisses appelés petits gervais, mais moi j'évoquais les crèmes glacées du même nom, dont la pub mentionnée souhaitait donner envie d'en déguster.

Et je souhaitais établir une correspondance entre tes écrits et la saveur d'une glace délicieuse  en criant que j'en voulais encore.
Pour mieux visualiser la chose ( je dis chose parce-que l'actrice de la pub n'emporte pas vraiment mon adhésion ...) voici la-dite pub

Non cher Frère Cadfaël, je ne connais pas la crème glacée, ça demeure un trou dans ma culture, idem pour ce qui est des petits suisses dont je reconnais avoir entendu parler de ces derniers avant mon voyage de 2013.
Ce que je connais pour l'avoir vu, je crois que c'est du yaourt à moins que... J'avais en tête de l'utiliser comme bloc signature à la fin de ces tribulations, mais dans le contexte... c'est NoSmokingDragonette qui a pris cette photo lors de mon passage à Paris:

Le Passeur a écrit:Non cher Frère Cadfaël, je ne connais pas la crème glacée, ça demeure un trou dans ma culture, idem pour ce qui est des petits suisses dont je reconnais avoir entendu parler de ces derniers avant mon voyage de 2013.
Ce que je connais pour l'avoir vu, je crois que c'est du yaourt à moins que... J'avais en  tête de l'utiliser comme bloc signature à la fin de ces tribulations, mais dans le contexte... c'est NoSmokingDragonette qui a pris cette photo lors de mon passage à Paris:

On dirait une publicité pour Gervais placarder sur les bus parisiens 

Voui, voui, voui !!!


Tu l'as dit, ce sont bien des petits suisses !   appelés petits frais pour cause de marketing!

ils sont forcément plus frais que les anciens petits suisses puisque c'est écrit dessus...

J'en déduis qu'étant petit, (je ne dis pas gosse pour ne pas brouiller l'écoute ) je me régalais avec du rance!!!


Désolé pour ta méconnaissance de la crème glacée, disons qu'il n'est pas forcément trop tard sauf à penser que c'est par principe.

Nous ne retiendrons ici que l'idée générale:  "Gervais j'en veux"...


Alors, plus qu'à écrire la suite, notre ami !!!

little smoke a écrit:

Voilà, j'ai enfin lu cette dernière partie encore pleine de rebondissements... On pourrait presque en faire une saga !

En écrivant tout cela, tu dois certainement revivre une bonne partie de tes émotions du moment, merci l'ami !

Une bonne partie? tu rigoles! Je revis au jour le jour chacune de ces péripéties comme si elles étaient fraîches du jour. C'es d'ailleurs assez hallucinant, je m'y revois comme si c'était hier. Je ne sais pas comment je revivrais le voyage de 2014, mais je t'assure que 2013 est d'une fraîcheur... Ah oui, on m'aurait demandé d'écrire mon journal de voyage au joue le jour et ça n'aurait pas été plus clair dans mon esprit !
Mélu rigole parce que lundi (alors que je venais de terminer l'épisode de Lannilis) j'ai passé ma journée à l'hosto... alors quand je te dis que je revis au jour le jour...
Oui, ça la fait bien marrer

Si çà fait tant rire Mélu, c'est que cela ne devait pas être trop grave. Tu nous en vois rassurés.

rien de bien spécial, cher Doc... juste la tension qui jouait au bungee avec le coeur qui roulait au neutre ou peu s'en faut, un peu comme celui d'un athlète, ce que je suis loin d'être. Mais me voir écrire ces pérégrinations avec les problèmes de santé et voir sourdre d'autres problèmes, l'association d'idée était trop belle; oui elle avait de quoi se marrer.

Lundi 14 octobre, LE GRAND PÈLERINAGE

Avant de poursuivre mon périple, je m’accorde le temps d’une petite explication, que je ne donnerai même pas en personne. J’ai déjà dit que j’entendais poursuivre ma route via la Baie des Trépassés. Mais pourquoi donc ? questionnerez-vous. D’abord, parce que si l’on fait état de baie, on évoque par défaut un bord de mer (ou de lac si on est ailleurs, mais puisque nous sommes en Bretagne...). Les anciens parlaient d’un « bar à choir », ce qui est devenu par entraînement, un barachois. Mais ne nous égarons pas. Puisqu’on parle de Baie des Trépassés, les Trépassés en question ne peuvent qu’être des marins. Si je suis attaché à la mer, je ne peux que l’être aussi aux marins et, par voie d’écoulement, aux perdus en mer, qu’on appelle aussi les Trépassés. Avant de poursuivre mon récit, donc, je passe la plume à Pierre Jakez-Hélias qui sait en des mots beaucoup plus beaux que les miens, parler de la Baie des Trépassés :

Debout sur l'étrave du Raz de Sein, quand on regarde le Bec du Van, vers le nord, on voit la mer pousser des rouleaux puissants sur une grève entre les deux caps. C'est la grève des Trépassés, «l'abominable baie», un des lieux de rendez-vous des noyés qui attendent l'embarquement pour leur séjour de l'autre monde. Et pourtant, les pêcheurs de Cléden en parlent seulement comme «de la grève du Nord-Ouest».
On n'y trouve pas d'ossements humains parmi les galets. Les courants n'y portent pas plus de cadavres qu'ailleurs. Certains jours, la mer y est si douce et le soleil si beau que la méditation de la mort y semblerait une offense.
Mais le peuple invisible des Trépassés se presse dans cette baie et sur ses rivages.
Dans les eaux de la baie, il y a des noyés de toute sorte. Il y a les plus beaux marins du monde et les plus courageux, ceux que la Morgane a choisis pour époux. Mais le destin de la Morgane veut que son baiser tue ses amants et qu'elle n'étreigne jamais que des cadavres. Ils dérivent dans les courants et pas un seul poisson n'oserait les profaner.
D'autres noyés chrétiens se sont livrés eux-mêmes à la Morgane païenne. Ceux-là vont errer jusqu'à la fin du monde, la marque de leur baptême au front. C'est en vain que les pêcheurs vivants qui les rencontrent voudront les ramener dans leur barque, par pitié. Les damnés leur glisseront des mains. De la Barque des Morts, ils ne verront que la quille.
Au bord de la Baie des Trépassés attendent aussi les âmes de ceux dont la mer a rejeté les cadavres. La plupart sont d'honnêtes marins, en paix avec Dieu et avec les hommes. A cause de cette innocence, ils ont eu assez de pouvoir sur les vagues pour que celles-ci les ramènent à la côte où ils seront ensevelis en terre bénite. Mais quelques-uns, coupables de fautes inexpiables, ont vu leurs corps vomis par la mer elle‑même, qui n'a pas voulu en être souillée. De ceux-là non plus, la Barque des Morts ne voudra pas se charger.
Depuis que le monde existe, la Barque des Morts se présente à la Baie des Trépassés, certaines nuits. Une voix puissante s'élève sur le Bec du Van ou le Bec du Raz, appelant un pêcheur par son nom. L'homme ne s'étonne pas. Il sait que, depuis toujours, ses ancêtres ont passé les morts et que, pour cet office, ils étaient affranchis de toute redevance envers leurs seigneurs de la terre.
Il descend vers la baie du Nord-Ouest. Une longue chaloupe y est à flot. Elle paraît vide et pourtant elle s'enfonce dans l'eau jusqu'au bordage, comme si elle était chargée à couler bas. Dans une grande rumeur de supplications, le pêcheur se fraie un passage à travers les rangs pressés d'une foule invisible. Quand il a pris sa place au gouvernail, une voile se largue d'elle-même et la Barque des Morts s'éloigne de la grève. Derrière elle, éclatent les sanglots des âmes qui ne sont pas du voyage.
Le pêcheur la manoeuvre à travers les brisants et la mène vers Sein. Dès qu'elle a touché l'île, il la sent qui s'allège et remonte sur l'eau à mesure que débarquent les invisibles passagers. Alors, il peut remettre le cap sur la grande terre. Quand il est entré dans la baie vide et silencieuse, la barque n'est déjà plus qu'une ombre, quand il a posé un pied sur le sable, elle a disparu.
A qui demandera si la Barque des Morts aborde toujours à la Baie des Trépassés, aucune voix n'osera répondre. Aucun pêcheur du Cap-Sizun n'a jamais avoué qu'il avait fait le passage. Celui qui est choisi pour cet office vit désormais en étranger parmi ses frères en attendant qu'il devienne l'Ankou marin.

Revenons, sur ce, à notre récit originel, si vous le voulez bien...


Le temps de prendre un petit déjeuner avec Tabadoc et le voilà parti, bon samaritain, pour aller porter secours aux enfants infortunés. Je trouve fascinant de voir l’homme derrière le chirurgien. Certes, fort de sa science, le chirurgien est sûr de lui, de son travail. Calme, pausé, parce qu’il n’a pas droit à l’erreur, l’homme, lui, est nerveux. De cette nervosité toute intérieure, un peu comme s’il n’était pas sûr de lui. Et pourtant... ah oui, j’ai eu un immense plaisir à le rencontrer, à discuter avec lui, à l’écouter et aussi à scruter ses silences parfois fort éloquents. Me reste, malgré tout, avec son départ, une tristesse, une insatisfaction. J’aurais aimé être en mesure de passer plus de temps avec lui, pour mieux le connaître. Connaître l’homme, pas le chirurgien. Parce que les chirurgiens sont souvent froids et j’en ai suffisamment vu taillader mon corps pour ne plus avoir envie de m’y frotter.
Mais l’homme... On dit que la valeur du temps est toute relative, fonction de qui on est, de ce que le temps nous réserve. Deux minutes, c’est soit court, soit long, tout dépend de quel côté on est de la porte de la toilette. En ce qui a trait à Tabadoc, je vous assure qu’une journée est insuffisante, largement insuffisante. Faudra que j’y revienne. J’aimerais, au fond, pouvoir dire que c’est mon ami. Enfin, comprenons-nous. Au fil du temps ce l’est incontestablement devenu. Mais j’aimerais pouvoir dire que c’est mon ami avec qui je vais prendre un café, en allant acheter une baguette par exemple (il sait où), pouvoir aller chez lui fréquemment, ne serait-ce que pour le plaisir de le retrouver, mais également le voir venir chez moi. Malheureusement, je suis conscient que plus ou moins 6 000 km nous séparent.
J’ai donc regardé partir ce début d’amitié qui m’offre de me délester de l’excédent de mes bagages chez lui, en m’assurant qu’il me les fera suivre chez moi, qui plus est, offusqué que j’ouvre mon portefeuille pour payer les frais de port. Lui est maintenant parti mais je ne quitterai pas cette maison sans avoir aussi fait la bise à sa conjointe, Bretonnette. Bretonnette, le rayon de soleil, l’âme sensible qui sait faire parler les silences, pleine d’attention, de tendresse... Tiens, je la verrais bien dans une salle d’attente de dentiste, pour réconforter et calmer les patients angoissés. Si j’avais un statut à lui octroyer, je dirais qu’elle est masseur pour l’âme. Je suis heureux de la voir avec Tabadoc.
Ça me paraît tellement un couple bien assorti. Elle aussi je la regretterai. C’est Tabadoc que j’ai connu via la Noble Bouffarde, mais j’ai cette « étrange » impression d’avoir connu Bretonnette exactement au même moment que son conjoint, tellement je les perçois liés, un peu comme des siamois. Oh oui, elle aussi j’aurai à regret de la quitter. Mais l’heure est venue et je n’ai pas le choix. Tout comme son mari, le devoir l’appelle, tandis que pour moi, ce sont les routes du sud de la Bretagne qui m’appellent. C’est bizarre, j’ai l’impression de quitter un couple avec qui je partage une amitié vieille d’au moins dix ans, alors qu’il y a encore vingt-quatre heures, j’ignorais tout d’eux. Et dire qu’il s’en est fallu de si peu pour que cette rencontre n’ait pas lieu !


Je quitte donc ce nid à regret et reprends ma route puisqu’il me faut poursuivre. Mais je ne quitte pas sans avoir promis de mettre tout en œuvre pour revenir, cette fois-ci accompagné de Mélu. Comme si son absence était de ma faute... Comme si j’avais décidé de faire ce voyage seul, la laissant à la maison. Première étape, le pont enjambant l’Iroise, voisinant la rade de Brest.


Puisque le temps m’est compté pour aujourd’hui, je n’entends pas le perdre inutilement. Je suis passé par le petit coin avant de partir, le réservoir de la Fiat est plein, je n’ai donc pas à me préoccuper de quoi que ce soit, n’ai pas besoin, officiellement du moins, de m’arrêter pour quelque raison que ce soit avant la Baie des Trépassés. Ce n’est pas loin, moins de 60 km. Une bagatelle. Ciel couvert mais nullement menaçant. Tout au plus, des conditions climatiques telle que je les aime personnellement pour voyager. Pas d’aveuglement causé par le soleil qui, à la longue, me fatigue les yeux. Alors les conditions climatiques me sont idéales. Je roule donc peinard, quasi de façon hypnotique tellement ce déplacement m’est agréable.
Malheureusement pour mes bonnes résolutions, cette façon de conduire ce matin est propice aux pertes de contrôle sur mon propre esprit. Je confesse être de nature quelque peu lunatique, ce qui m’est d’un précieux secours dans l’écriture, mais quand je conduis avec un but précis, je me laisse facilement distraire, si je roule à basse vitesse, par ce qui m’entoure. Bien sûr je garde les yeux sur la route, mais j’ai un bon champ de vision périphérique et il n’est pas rare, pour moi, de faire remarquer à Mélu des choses qu’elle n’avait pas vues d’elle même. Il m’est arrivé de lui faire remarquer, sur cette route, avant de revenir sur terre et constater son absence, certains arbres qui avaient poussé en luttant contre les conditions climatiques. Mais bon, c’est tout à fait coutumier chez moi. Sans doute lié au fait qu’il est rare que je voyage seul quand je suis au pays ; oui, à l’occasion pour aller voir ma fille et mes petits-fils (oui, mon gendre aussi... ) donc, j’ai beau être seul ce matin, je ne parle pas moins à Mélu. D’accord, sans doute un peu timbré le Passeur. Mais avec un beau-frère et un frère qui ont fait carrière comme facteurs dans des régions différentes, il n’est pas anormal que je sois un peu timbré...
Reprenons donc et ne nous attardons pas en route ; suivons le guide. Je roule donc et arrive dans la commune de Confort-Meilars que, soit dit en passant et ne me demandez pas pourquoi ni qui a raison des deux prises de position, la communauté écrit à la française « Confort », alors que les autorités paroissiales identifient à l’anglaise, « Comfort ». J’aurais traversé la commune sans même y prendre garde, n’eut été d’un calvaire sur ma gauche qui a attiré mon attention. Et quand je parle d’attirer, c’est un euphémisme.
Toujours cette attirance pour les lieux de culte. Oui je sais et n’y peux rien. Sans doute parce que les grands bâtisseurs, j’entends les Compagnons, ont surtout construit des lieux de culte. Ce qui me frappe en ce calvaire c’est d’abord l’usure de la pierre (l’église est du même acabit, soit dit en passant). Pour l’extérieur du moins. La pierre a cette porosité qui fait penser à la pierre ponce, un peu comme si la pierre avait été traitée de façon excessive au jet de sable. Une très belle sculpture qui devait être sublime à l’origine.


Je n’essaierai pas de faire croire en des compétences qui ne sont pas miennes. Les informations glanées à l’intérieur de cette église sont transmises ici avec les photos que j’en ai prises. Pourquoi prendre de telles photos quand il y a tant d’objets à photographier dont je ne conserverai aucun souvenir de retour à la maison ? Je sais parfaitement que, une fois rentré chez moi, la majorité de ces informations récupérée à gauche et à droites seraient elles aussi entrées dans le monde de l’oubli. Si je veux pouvoir faire profiter Mélu de ce voyage, je n’ai pas d’autre choix que de récupérer ces infos sous forme de photographies. D’autant que, contrairement à moi, elle a la foi. Enfin, comme elle le dit, elle a « sa » foi...


Chose que je trouve étrange, comme dans toutes les églises visitées, je remarque une statue de la pucelle d’Orléans. Bon, que ce soit une sainte, soit. Encore que sans chercher à lancer une polémique, Pierre Cauchon évêque de Beauvais — si je voulais être ironique, je préciserais que Jésus a été vendu pour 30 deniers, elle a été vendue, inflation aidant, aux Anglais par Jean de Luxembourg pour 10,000 livres — l’a remise aux Anglais pour qu’elle soit exécutée de façon macabre. Il était bel et bien représentant de l’Église qui ne l’a, à mon sens, jamais désavoué, même s’ils ont canonisé la pucelle... Ce dernier acte ne me semble pas rendre les flammes dans lesquelles elle a été jetée moins chaudes. Bien sûr, il y a là le mécréant en moi qui parle et qui s’insurge ; mais je vois dans cette mise en scène une certaine dose d’hypocrisie. Et je le répète, dans toutes les églises que j’ai visitées, absolument toutes, dans toutes les régions, j’ai vu des statues de Jeanne d’Arc. Ça me semble assez loufoque que l’église qui l’a trahie l’expose partout de la sorte. Ici, outre la guerrière, évidemment la patronne de la paroisse, quelques statue de saints dont j’ignorais jusqu’à l’existence : St Tugean, St Corentin... Je ne jurerais pas, mais il me semble me souvenir que ce sont d’anciens évêques du coin.
J’ajoute, pour les curiosités, une roue à carillon, vraisemblablement une roue de charrette à laquelle ont été fixées des clochettes (sans doute une vingtaine) à laquelle est fixée une corde qu’on nous invite à tirer pour faire sonner les clochettes. La tradition prétend que cette roue aurait été placée dans l’église après qu’un enfant atteint de surdité ait recouvré l’ouïe. Les autorités paroissiales prennent bien soin de préciser que cette roue n’est pas miraculeuse. Également, sous l’autel à la vierge, un jusant de saint Vincent Ferrier. Assez vu — et trop dit, affirmeront certains — je poursuis ma route.
(Au passage, je concède aux croyants que mon propos est parfois irrévérencieux, voire impertinent et je leur en demande d’ores et déjà pardon. On acceptera à ma décharge, à titre de circonstances atténuantes le fait que je sois, comme je l’ai dit et répété, ad nausæm, agnostique. De ce fait, il m’est difficile de voir une personne comme la pucelle d’Orléans, par exemple, poussée par l’Église aux mains des Anglais pour fins de combustion, et la constater exposée dans toutes les églises, j’allais dire comme un trophée de chasse, en bonne place. Presque au même niveau que la vierge et le Christ. Certes, on m’objectera qu’elle fut canonisée, mais je maintiendrai qu’il a fallu cinq cents ans pour réparer le tort, ce qui me paraît un tantinet long pour aller chercher un extincteur.)


Toujours en direction de la Pointe du Raz, avec la conviction que j’ai un peu de temps devant moi puisque de toute évidence je dois oublier Loudéac et Lannion, je m’accorde le privilège de faire du slalom sur les routes, de sorte que je me retrouve à Beuzec-Cap-Sizun devant, puis dans l’église paroissiale, avant de poursuivre jusqu’à Goulien. Heureusement pour moi, je ne suis pas dans la bonne direction. Autrement je me croirais en plein pèlerinage vers Compostelle... Ici aussi on trouve des statues à profusion, notamment de Jeanne d’Arc bien entendu, tout comme des saints qui me laissent totalement ignorant : saint Buduc, à nouveau saint Corentin pour ne nommer qu’eux, tout comme des reliques et trésor paroissiaux. Certes, ce ne sont pas des trésors dignes de cathédrales, mais la richesse est faite de la pauvreté historique de ses paroissiens. En conséquence c’est une richesse de renoncement, baignant dans une modestie, une humilité dont certains éléments remontent au XVIe siècle comme la croix de procession de l’église de Goulien et, pour terminer cette procession, l’église saint Collodan de Plogoff.


J’ai assez parlé d’églises, d’autant que, subrepticement, le temps file. C’est presque l’heure du déjeuner. Me faut donc m’activer si je ne tiens pas à arriver à Carnac après le coucher du soleil. Ce serait vraiment malin de ma part. Je retourne donc à ma trottinette et file jusqu’à la Baie des Trépassés qui est, de Plogoff, à peine à quelques encablures.
En passant, je ne sais pas si on fait, ici, une différence de l’un à l’autre, autochtone et touristes. J’ai, comme je l’ai également répété à maintes reprises, pendant vingt ans habité sur une île en pleine mer. Là-bas, pour différencier le touriste de l’autochtone — je parle ici évidemment de l’insulaire, non pas de l’Amérindien — le touriste parle de la plage, alors que l’autochtone parle de la côte. Comme je suis en France, donc en tant que touriste, je parlerais de la plage ; cependant, ces vingt ans où j’ai eu la mer pour maîtresse ne se sont jamais terminés dans mon esprit. Je demeure et demeurerai, jusqu’à mon dernier souffle, un insulaire dans l’âme.
Celui qui veut aller à la Baie des Trépassés en touriste n’y verra pas ce que Pierre Jakez-Hélias raconte en préambule de cette partie de mon pèlerinage. Tout au plus, il y verra une plage avec un hôtel portant le nom des lieux. Il faut regarder comme un autochtone, avec son cœur, avec ses tripes, avec sa tête plutôt qu’avec ses yeux, pour voir et entendre ces perdus en mer supplier les vivants de leur accorder une sépulture. Alors, un frisson vous parcourra l’échine et, faute de sépulture à leur concéder, vous aurez une prière ou une pensée profonde pour eux.


La Pointe du Raz est voisine de la Baie des Trépassés. Vous pouvez donc facilement voir les deux endroits au cours de la même visite. En fait, quand je parle de voisine, pour être plus précis, la Baie des Trépassés est bordée, terminée par la Pointe du Raz. Il est donc tout à fait possible d’aller de l’un à l’autre lieu à pied. En suivant la route plutôt que de marcher les dunes et briser une végétation fragile comme toute végétation côtière, c’est à peine 1,5 km. Ne craignez rien, il y a un vaste stationnement pour garer votre voiture.


Vous pourrez, alors prendre une toute petite marche pour vous rendre au monument érigé à Notre-Dame des Naufragés. J’imagine que, comme moi, vous n’aviez jamais entendu parler de cette dernière. Au fond, quand on y pense, rien n’est plus normal. Évidemment on comprendra qu’il s’agit de Marie qu’on appelle aussi Stella Maris. Or, Stella Maris, c’est le nom que les marins donnent à l’étoile polaire, est le guide de tous les marins. Plutôt que Notre dame des Naufragés, on eut pu aisément l’appeler simplement Stella Maris puisqu’elle est sensée protéger tous les marins, vivants ou perdus en mer quoique dans ce dernier cas, elle devrait normalement les protéger des écueils censés les conduire au-delà des Enfers avec l’aide de l’Ankou. Quoi qu’il en soit, le monument à Notre-Dame des Naufragés vaut le détour à lui seul. Érigé, ce n’est quand même pas ma faute puisqu’il faudrait encore presque cinquante ans avant que je puisse voir le jour, le 3 juillet 1904. Elle est l’œuvre du sculpteur Cyprien Godebski, un artiste de Méry-sur-Cher, d’ascendance belgo-polonaise. Par défaut, je nie catégoriquement toute culpabilité dans sa mort cinq ans plus tard.


On y trouve également, évidemment, quelques boutiques de souvenirs desquelles je profiterai sans vergogne pour rapporter quelques marques d’attention à l’intention des miens laissés de ce côté-ci de la Grande Mare.
Ça y est, j’ai tellement traîné à gauche et à droite tout au long du chemin depuis ce matin que je suis en retard. Oui, évidemment, je suis coupable de ce retard, mais je ne suis pas le seul. Ce n’est quand même pas ma faute si je suis originaire d’un pays que les Bretons aiment. « Oh j’adore votre accent... dites-moi... » à peu près n’importe quoi en fait. Oui j’ai parfois l’impression depuis que je suis arrivé en France (parce que la Bretagne n’est pas la seule dans ce cas) qu’on me pose des questions, qu’on me fait parler exclusivement pour entendre mon accent.
Enfin, si je ne prends pas le taureau par les cornes, c’et sûr que je serai effectivement en retard. Les gens étaient plus que courtois à mon endroit dans les boutiques de souvenirs, je dirais même d’une extrême patience, de sorte que mine de rien, je me suis attardé et je n’aurai pas trop de temps devant moi pour me rendre à Carnac si je ne veux pas m’organiser pour avoir une contravention.
Je retourne donc à la voiture si tant est que c’en soit une et sitôt attaché, je démarre. Longtemps, malgré les lois chez moi comme ailleurs obligeant les passagers à mettre leur ceinture de sécurité, j’ai refusé de m’attacher, trouvant la chose embarrassante plus que pratique ou sécuritaire. Puis un jour, j’ai eu le malheur d’avouer sur un forum (je n’ai pas souvenir si c’est ici ou sur le précédent) que je ne la portais pas et, devant mon propos, plutôt que d’être accueilli avec une certaine indifférence, je l’ai été avec une volée de bois vert, ce que j’ai trouvé honteux. Mais bon, à la suite de ce douloureux épisode pour mon dos, lentement je me suis habitué à la porter. Maintenant il est rare que je démarre avant de m’être attaché, bien que je persiste à croire qu’elle n’a d’utilité que de maintenir tous les morceaux de mon corps au même endroit lors d’un éventuel accident. Un peu comme dans un avion... à quoi peut bien servir une ceinture de sécurité dans un avion ? Croit-on sérieusement que je survivrai à une chute de 11,000 mètres d’altitude sans parachute, si je suis attaché ?
Décidément le GPS de NoSmokingDragonette est incontestablement plus fiable que les miens. En aucun cas il ne m’a fait défaut. Peut-être, je dis bien peut-être m’a-t-il donné de mauvaises informations sur la route entre Olonne-sur-Mer et Plouvien, mais ne l’ayant pas entendu, même s’il m’en a donné, je n’étais pas en état de les prendre en compte. Ainsi, même s’il m’en a donné pour cette tranche de mon périple, je ne peux pas l’accuser de défaillance. Pour le reste de ce voyage où j’ai eu à m’en servir, en aucun temps il ne m’a fait défaut ni ne m’a trompé, ce qui n’est pas le cas avec les miens. Oui au pluriel. Mais ça c’est une autre histoire et comme je suis en retard sur mon horaire, il n’est pas temps pour moi de m’égarer.
Ce qui devait arriver arriva finalement, j’entre dans Carnac à 16h55, trop tard pour avoir droit aux visites guidées qui se terminent à 17h00. Je devrai donc me débrouiller par moi-même. Visiter au gré de mes découvertes personnelles. Évidemment, je quitterai les lieux demain matin avec une montagne d’informations en moins. Certes je pourrai prendre quelques photos pour satisfaire Mélu qui adore ces alignements comme celui de Kerlescan, du Ménec, les tumuli, les cairns, les mégalithes, faute de la ravir. De toute façon, si elle avait été du voyage, elle aurait pu en profiter encore plus largement que tout ce que je peux lui apporter comme photos.


Me faut maintenant me trouver un endroit pour dormir. Je n’ai en effet pas du tout envie de passer ma dernière nuit en possession de cette voiture comme un amoureux fou de son bolide, à coucher dedans.

Merci beaucoup mon cher Parrain pour cette magnifique page. Je remarque que tu as senti d'entrée de jeu le caractère "complexe" ou "compliqué" (c'est selon…) du bonhomme de Plouvien. Quant à l'admirable portrait (et si vrai !) de Bretonnette, quoi y rajouter ? Ce n'est pas pour rien que tu es Passeur, la preuve éclatante en est ici faite...

Tabadoc a écrit:Merci beaucoup mon cher Parrain pour cette magnifique page. Je remarque que tu as senti d'entrée de jeu le caractère "complexe" ou "compliqué" (c'est selon…) du bonhomme de Plouvien. Quant à l'admirable portrait (et si vrai !) de Bretonnette, quoi y rajouter ? Ce n'est pas pour rien que tu es Passeur, la preuve éclatante en est ici faite...

Pour ce qui est de Bretonnette, je reconnais que tout comme toi, je dirais qu'elle m'a fait une très forte impression et ne sont pas rares les jours où j'y pense et m'en ennuie. Mais bon, comme dirait Brunaros, je ne vais pas vous cirer les pompes
J'aimerais vous avoir laissé une impression à 50% de celle que vous m'avez, pour votre part, laissée.
Effectivement, je ne suis pas Passeur pour rien, je suis Passé et aimerais bien pouvoir repasser un de ces jours