Les tribulations d'un Québécois en Gaule

Rascar Capac a écrit:

Le Passeur a écrit:Si je comprends bien, Rascar Capac, ton patronyme est Vachon?

En fait je me suis mal exprimé, mon patronyme est Fortin, et après de succinctes recherches, j'ai l'impression qu'on en trouve au Quebec.
J'avais fait quelques recherches sur des personnes avec le même nom et prénom que moi et toute celles que j'ai trouvé habitaient au Québec !

ah oui, les Fortin y en a "à la pelle" chez nous.... le voisin immédiat de la maison où j'ai grandi en était d'ailleurs un, mais pas un chic type. Remarque que des couillons y en a sous plus ou moins tous les patronymes... Y avait un autre Fortin qui demeurait à 4 maisons de chez moi et lui était une perle. D'ailleurs, y a même une rue dans la ville qui a été nommée en son honneur. Et y a également un centre de ski...

Tabadoc a écrit:Merci pour la poursuite de ce récit qui m'apprend beaucoup de choses sur ton périple. Je savais que tu étais passé en Vendée et pourquoi mais tu n'avais pas eu le temps de me donner tous les détails. C'est chose faite. Un  grand merci !

J'avoue que je connaissais pas la Vendée, autrement que par le massacre contre les Vendéens.  Maintenant je connais même les armoiries du lieu d'origine de mon ancêtre:

et on a donné le nom de mon ancêtre à l’aréna de La Copechagnière, à un parc le jouxtant, de même qu'à une rue.On y a également mis une stèle commémorative où on le vieillit de près de 100 ans

Très sympa d'avoir ces témoignages du passé lorsque l'on fait des recherches sur ses racines...

Le Passeur a écrit:

Rascar Capac a écrit:

Le Passeur a écrit:Si je comprends bien, Rascar Capac, ton patronyme est Vachon?

En fait je me suis mal exprimé, mon patronyme est Fortin, et après de succinctes recherches, j'ai l'impression qu'on en trouve au Quebec.
J'avais fait quelques recherches sur des personnes avec le même nom et prénom que moi et toute celles que j'ai trouvé habitaient au Québec !

ah oui, les Fortin y en a "à la pelle" chez nous.... le voisin immédiat de la maison où j'ai grandi en était d'ailleurs un, mais pas un chic type. Remarque que des couillons y en a sous plus ou moins tous les patronymes... Y avait un autre Fortin qui demeurait à 4 maisons de chez moi et lui était une perle. D'ailleurs, y a même une rue dans la ville qui a été nommée en son honneur. Et y a également un centre de ski...

D'ailleurs après quelques recherches, il semblerait qu'un certain Julien Fortin soit à l'origine de mes cousins outre Atlantique, dans lesquelles on retrouve une certaine Madonna !
Va falloir que je prenne contact avec elle 

Bon j'arrête là mes digressions généalogiques !

si elle te répond, fais-nous-le savoir

Ne lui demande pas tout de suite si elle fume la pipe ! 

Toukour aussi distrayant et rejouissant ce recit merci a toi le passeur

Pas mal le récit.
J'attends la suite avec impatience.

piagru a écrit:Pas mal le récit.
J'attends la suite avec impatience.

Tiens, salut cher ami, que voilà une belle rencontre dans ces pages!
Quelque part aujourd'hui, je devrais être en mesure de poster la 2e journée chez tes parents. Au passage, quand tu leurs parleras, remercie-les encore de ma part. J'ai eu un immense plaisir à découvrir avec eux ton patelin, tout comme celui de mes ancêtres.

Les tribulations d’un Québécois... Les marais salants !

Mardi 8 octobre, Après une bonne douche matinale pour me rafraîchir et éliminer les résidus de transpiration, une transpiration trop faible pour croire que j’aie des chances de m’être débarrassé de mon indisposition, je rejoins mes hôtes dans la cuisine, où on s’informe de l’évolution de mon malaise pendant que maman Piagru  me sert du pain rôti et un grand bol de café que je peux ajuster à mon goût, papa Piagru m’annonce qu’aujourd’hui, nous irons visiter Noirmoutier  et ses marais salants.
Ce n’est pas sans me plaire parce que si j’ai déjà entendu parler des marais salants, si je sais ce qu’on y fait, ce ne serait pas honnête de ma part de prétendre que je sais comment on s’y prend. J’aurais beau jeu pour savoir, moi qui ai demeuré pendant vingt ans en bord de mer. Mais ça demeure un trou dans ma culture puisqu’on ne « cueille  » pas le sel de mer aux Îles-de-la-Madeleine. Ce pourrait cependant être un revenu d’appoint pour cette communauté, mais il semble que personne n’ait jamais songé à le faire. Je suis donc heureux de pouvoir dire que je boucherai ce trou culturel aujourd’hui.
Papa Piagru s’impatiente parce que son fils, Piagru soi-même a annoncé qu’il viendrait faire un tour, question de connaître le cousin d’outre-Atlantique ce matin et Papa a prévenu qu’il n’entendait pas partir après 8h30. Il n’est pourtant que sept heures cinq, mais il semble que demeure chez le paternel un fond de discipline scolaire, parce que si on dit sept heures, c’est sept heures. Et c’est  précisément l’heure à laquelle Piagru a annoncé qu’il arriverait. Alors, cinq minutes plus tard qu’annoncé, reconnaissons-le, c’est une éternité.
Enfin, le « retardataire » finit par arriver. Il était temps parce que papa Piagru commençait à sérieusement songer à lui coller une retenue.  On discute de choses et d’autres, des impressions de l’étranger sur son voyage en vieux pays, des raisons qui font que Piagru ne vient pas plus souvent sur le forum, explications qui relèvent plus ou moins d’une confession dans le but de faire ses Pâques, ce que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, chanterait Aznavour. Les plus vieux rétorqueront que les plus jeunes n’avaient qu’à naître avant et Na ! ajouterait Cléopâtre.


Voilà que papa Piagru commence à faire les cent pas et, dans le contexte, pas besoin d’être né dans l’autre siècle, il est clair qu’il s’impatiente. La ponctualité, assure-t-on, est la politesse des rois, mais visiblement ni Piagru ni moi ne sommes rois... Le fils commence donc à se lever puisqu’il connaît mieux le caractère paternel ce qui me donne le coup d’envoi pour en faire autant. Reconnaissons, à la décharge de papa Piagru, que l’heure est extrêmement importante à Noirmoutier, en raison des marées.


On finit donc par partir, Piagru de son côté, moi en compagnie de papa et maman Piagru du nôtre. Conscient de ses devoirs d’hôte et de professeur, non seulement papa Piagru explique le long du parcours, ajoutant force détails, mais va jusqu’à épeler les mots qu’il croit ou considère à consonance ardue pour le visiteur. Décidément, papa Piagru a quitté l’enseignement, mais l’enseignement ne l’a pas quitté. La route file sur 65 km avant que tout ce beau monde arrive au chemin du Gois.
Je ne suis pas touriste pour deux sous, mais il m’incombe de rapporter des souvenirs à tout mon monde que j’ai laissé de l’autre côté de l’Atlantique. Malheureusement, au mois d’octobre, les boutiques de souvenir sont, généralement, soit fermées, soit pas ouvertes... Maman Piagru réussit néanmoins à en trouver une où on est à faire l’inventaire, mais vu mon accent, on accepte malgré tout d’ouvrir pour moi. J’en profite donc pour faire des réserves sur ce plan parce que je doute de pouvoir faire des acquisitions plus tard.
Je sens en effet à nouveau le rhume revenir à la charge, avec un mal de tête carabiné comme on dirait  chez moi pour parler d’un mal approchant la migraine. Et dans cet état, c’est fort regrettable, mais on peut aller se faire voir si on espère m’emmener faire les boutiques. Depuis la douche, la respiration était plus aisée, mais maintenant elle redevient ardue, contrairement à ce que j’aurais cru. J’avais en effet pensé que l’air marin réussirait à améliorer l’état de mes sinus, mais visiblement, je me suis leurré. Tant pis. Si je peux terminer la journée sans que les choses n’aillent en empirant, je m’en serai quand même tiré à bon compte.


Plusieurs imprudents ont été piégés par les marées au fil du temps, de sorte qu’on s’est vus contraints d’installer des promontoires pour tenir lieu de zones de sauvetage pour les imprudents, des balises de sauvetage, en fait, selon leur dénomination officielle. Comme preuve de la réelle importance de ces balises, c’est vers la fin du XVIIIe siècle que les premières furent érigées, explique le docte professeur d’histoire à la retraite. Quant au passage à gué, le Gois comme on l’appelle, c’est sous Louis XIV qu’il devint réellement populaire. Bien sûr il était utilisé avant, tant par les hommes que par les animaux, mais la traversée se démocratisa, si l’on peut dire, aux environs du XVIIe siècle. Malgré tout, encore régulièrement, on dénombre des noyés.  Les moules et les myes de l’endroit sont réputées et si on ne se préoccupe pas de l’heure... C’est connu, la gourmandise poussée à l’excès est un bien vilain défaut.


Et, comme tous les défauts, elle peut mener au châtiment divin. Je n’ai, pour ma part, rien à craindre de ce châtiment parce qu’il serait bien mal pris s’il avait le malheur, pour me punir, de se priver de mes services. Parce que si lui peut menacer de châtiment, moi je peux le menacer de faire la grève, voire même de démissionner. Ceci dit, ça me rappelle au passage que, dans l’attente de la marée basse, je me suis permis, malgré mon défaut de santé, une excellente assiette de moules. Non, je n’ai pas tout mangé, je ne me sentais pas suffisamment bien pour ça, mais celles qui réussissaient à traverser le gosier ont fait un bien extrême. J’ajouterai, au passage, que fidèle à l’accueil vendéen, Papa Piagru s’est montré menaçant quand j’ai esquissé la volonté d’acquitter ma facture.


J’ai profité d’un repos après les moules, en attendant l’embarquement,  au port de l’Herbaudière, pour prendre un cliché de mes hôtes. Je ne prétendrai surtout pas leur avoir fait une si bonne impression qu’ils puissent se souvenir longtemps de moi. Certes je l’espère. Mais ce n’est néanmoins pas suffisant pour en avoir la certitude. Pour ma part, oui, leur gentillesse, leur dévouement, la générosité avec laquelle Maman Piagru a pris soin du malade, me faudrait être vraiment égoïste pour les oublier. Avec des gens comme eux, on ne se surprend pas que le coeur ait si bonne place sur le drapeau vendéen. Peut-être qu’on devrait conclure qu’ils ont du coeur pour deux parce que le drapeau vendéen a deux coeurs entrelacés. Quoi qu’il en soit, la générosité ne leur fait certainement pas défaut !


Voici enfin l’heure de prendre le Gois et de traverser sur l’île de Noirmoutier, une chouette petite (tout est évidemment relatif) île qui donne envie d’y prendre du bon temps, de regarder passer les nuages, de voir s’écouler une retraite dorée. Les gens y ont l’art de vivre et n’hésitent pas à s’appuyer sur la pelle ou mettre de côté la poignée de sel qu’ils sont à épurer pour faire un brin de causette avec vous. D’ailleurs, parlant de sel, Mélu en étant friande, je lui en rapporterai un bocal avant de revenir au port d’attache, empruntant le pont cette fois-ci.


À noter au passage, une très belle construction pour laquelle je n'ai, personnellement, rien à reprocher sur le plan architectural. Je suis d'ailleurs tombé en amour avec la relation que l'architecte a su mettre en évidence par rapport à l'environnement insulaire de l'endroit, il s'agit du centre récréatif de Noirmoutier. Les marins et ceux qui vivent en milieu maritime reconnaîtront incontestablement la forme de coque de bateau. Personnellement, il n'y a pas beaucoup d'autre mot que « j'ai été emballé » sauf peut-être « j'ai adoré ».

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D’après ce que j’ai écrit à Mélu ce soir-là, je croyais que c’était le fils ou le gendre de papa et maman Piagru qui est venu entrer les codes locaux sur ma tablette, m’inscrire également un « prêt à porter » ou plutôt à installer les codes pour le reste de mon voyage de sorte que je n’aie plus de problèmes avec ma tablette pour communiquer avec ma tendre. Avec le recul, il me semble que c’est le gendre, marié, donc, avec la sœur de Piagru, que j’ai eu plaisir à rencontrer elle aussi, ce qui n’était pas sans m’être très agréable. Elle est venue chez ses parents en tenue de travail, donc en gendarme. Très jolie, du genre de gendarme qu’il m’aurait été très agréable de voir m’arrêter, voire me faire la morale le long de la route. Malheureusement, faut croire que j’ai été trop sage, elle ne m’a pas arrêté.
Une passionnante journée, en définitive!

Encore un magnifique épisode ! Et quelle accueil, quel belle générosité transpirent de cette aventure vendéenne... J'ai, encore une fois, l'impression d'être du voyage et de visiter les marais et l'ile avec vous tous. Merci pour cette belle rencontre cher Passeur !

Quand quelqu'un parle aussi bien de ce magnifique département qu'est la Vendée (et je dis pas ça parce que je suis Vendéen), je ne peux qu'être d'accord !

Je pense que tu n'a certainement pas eu l'occasion d'en croiser, mais il existe une bière artisanale Vendéenne qui se nomme Mélusine !

Rascar Capac a écrit:Quand quelqu'un parle aussi bien de ce magnifique département qu'est la Vendée (et je dis pas ça parce que je suis Vendéen), je ne peux qu'être d'accord !

Je pense que tu n'a certainement pas eu l'occasion d'en croiser, mais il existe une bière artisanale Vendéenne qui se nomme Mélusine !

Déjà Piagru qui épie pour savoir ce que j'en dis, toi qui te joins à lui pour surveiller qu'on ne parle pas en mal de la Vendée, ça deviendra une véritable torture pour la deuxième journée en Vendée. Comment me tirer d'affaire sans  me tirer dans le pied? C'est ça qu'on appelle une torture psychologique? Allez, je vais prendre mon courage à deux mains et tenter d'écrire la deuxième journée Vendéenne.
Si je ne reviens pas, vous saurez que c'est soit Rascar Capac, soit Piagru qui m'aura trucidé pour atteinte à la réputation de la Vendée

Rascar Capac a écrit:Quand quelqu'un parle aussi bien de ce magnifique département qu'est la Vendée (et je dis pas ça parce que je suis Vendéen), je ne peux qu'être d'accord !

Je pense que tu n'a certainement pas eu l'occasion d'en croiser, mais il existe une bière artisanale Vendéenne qui se nomme Mélusine !

Pardonne-moi, Rascar Capac, J'ai rapporté une bouteille de Troussepinette cadeau de Maman et Papa Piagru, Que Mélu est à boire avec lenteur et dégustation (nettement trop sucré pour moi, d'où l'absence de partage), mais tu as raison, je n'ai pas vu passer cette bière. Tu te doutes bien que j'en aurais profité pour goûter et en rapporter ne serait-ce qu'une bouteille pour Mélu

Troussepinette; que voilà-t-y-pas un joli et drôle de nom… 
(toute remarque de type loufoque n'engagerait bien sûr que son auteur…)

Troussepinette, c'est un spiritueux typiquement Vendéen, en fait un "vin d'épine"...

Le Passeur a écrit:Déjà Piagru qui épie pour savoir ce que j'en dis, toi qui te joins à lui pour surveiller qu'on ne parle pas en mal de la Vendée, ça deviendra une véritable torture pour la deuxième journée en Vendée. Comment me tirer d'affaire sans  me tirer dans le pied? C'est ça qu'on appelle une torture psychologique? Allez, je vais prendre mon courage à deux mains et tenter d'écrire la deuxième journée Vendéenne.
Si je ne reviens pas, vous saurez que c'est soit Rascar Capac, soit Piagru qui m'aura trucidé pour atteinte à la réputation de la Vendée

T'inquiètes mon cher Passeur, malgré mon chauvinisme, tu peux dire ce que tu veux de la Vendée sans craindre aucunes pressions de ma part... Tu habites trop loin pour que je vienne te chercher des noises 

Pour la trouspinette c'est vrai que c'est très sucré, moi je ne la bois que très très fraîche quitte à mettre un petit glaçon dedans.

Rascar Capac a écrit:
T'inquiètes mon cher Passeur, malgré mon chauvinisme, tu peux dire ce que tu veux de la Vendée sans craindre aucunes pressions de ma part... Tu habites trop loin pour que je vienne te chercher des noises 

Bien tu peux toujours venir me chercher noise, t'en profiteras pour apporter trois bouteilles de Mélusine, on pourra la pendre tous trois ensemble. Enfin, quatre, j'imagine que madame Rascar Capac sera du voyage
Plus on est de fous, plus on rit

Le Passeur a écrit:Troussepinette, c'est un spiritueux typiquement Vendéen, en fait un "vin d'épine"...

ben tiens comme par hasard, heureusement que " d'épine" est en un mot  

(toute remarque de type loufoque, n engagerais que son auteur )






Ps: merci Tabadoc, pour cette belle excuse  

Les tribulations d’un Québécois... Le marathon du Cardinal

Mercredi 9 octobre, J’ai passé une nuit d’enfer, mais je n’ai pas osé l’avouer à Maman Piagru quand elle m’a demandé comment j’allais ce matin... La pauvre se donne tellement de mal pour essayer de me remettre sur le piton que s’il fallait que je lui dise, elle serait capable d’appeler le médecin. Je ne sais pas, j’imagine que les médecins en France sont comme ceux du Québec, ils ne font plus de visite à domicile depuis des lustres. Ça ne fait rien, elle pourrait appeler le SAMU. Demain je dois partir pour la Bretagne, j’ai trois personnes à rencontrer en plus des lieux que je veux voir, à commencer par saint Malo, dans l’espoir d’y voir Lysandre, ma fille, ma protégée, tout comme celui qui lui a tout appris de la mer, le capitaine Surcouf. Même si je ne peux pas le voir lui, si je peux voir ma fille, je serai le plus heureux des hommes.
Maman Piagru s’entête, j’ai l’impression qu’elle me trouve grise mine, parce qu’elle continue à me demander :
— Vous êtes sûr que ça va ?
— Mais oui je vous assure que ça va.
Et papa Piagru se mêle de la partie à sa façon.
— Mais laisse-le donc, maman, il doit savoir. S’il dit que ça va, c’est que ça va !
Je ne détesterais pas prendre une journée de repos, mais à voir l’allure de Papa Piagru, je crois comprendre qu’il a d’autres projets pour moi. Il sait – je l’ai dit ouvertement – que c’est ma dernière journée en Vendée et il voudrait que je rapporte avec moi, dans mon cœur, une parcelle de la terre de mes ancêtres. Enfin, je veux dire pas nécessairement de la vraie terre, mais que je parte le cœur plein de bons souvenirs de ce pays de mes ancêtres pour que je puisse le chanter sur tous les toits, pour dire à quel point il est beau, il est grand, il est noble, il est généreux autant que les femmes et les hommes qui le foulent quotidiennement. L’impression de voir se matérialiser devant moi ce professeur de « La dernière classe » d’Alphonse Daudet qui s’accuse de n’en avoir pas assez fait, conscient que demain il sera trop tard et qui voudrait, pour une dernière fois, m’en mettre plein la vue, plein les oreilles, plein le coeur, plein la bouche. Et je suis touché par ce professeur à la retraite, un peu comme je l’ai été, à 9 ou 10 ans, quand j’ai lu, quand j’ai découvert cette « Dernière classe » qui, plus de cinquante ans plus tard, arrive encore à me tirer les larmes quand je relis cette nouvelle tirée des « Contes du Lundi ».
— Aujourd’hui nous prenons la direction du sud, dévoile Papa Piagru.
En fait, je crois que c’est à moi qu’il s’adresse parce que j’ai l’impression qu’il a comploté hier soir avec Maman Piagru et que le programme de la journée est déjà établi. Que verrons-nous dans le sud ? Pour le moment je l’ignore. Parce qu’il y a beaucoup à voir au sud... il y a Bordeaux, Marseille, Madrid, il y a toute l’Afrique et j’en passe. Mais papa Piagru fait le mort sitôt que j’aborde la question. J’en arrive donc à la conclusion que je saurai quand je verrai. En attendant, je dois m’armer de patience et faire profil bas.


— Qu’est-ce que c’est ça que ces arcs ? que je m’interroge à voix audible.
— Ce sont des arcs qui étaient utilisées autrefois  quand il y avait des processions religieuses, répond mon docte professeur. Cette rue était empruntée par la procession, et les arbres étaient structurés en fonction du cardinal. Garde à l’esprit que nous entrons dans Luçon, la paroisse, si l’on veut, du cardinal, le diocèse duquel dépend La Copechagnière.  C’est le diocèse du cardinal de Richelieu. J’imagine que ça te dit quelque chose, Richelieu...
— Oui, j’ai bien appris ma leçon sur ce plan. Armand-Jean Duplessis de Richelieu, cardinal avant de devenir premier ministre sous Louis XIII. Fondateur de l’Académie française, incidemment, il est mort un an avant le départ de Paul Vachon (mon ancêtre) vers l’Amérique, en 1642, l’année de la fondation de la plus ancienne et toujours en activité, compagnie œuvrant en Amérique, la Compagnie de la Baie d’Hudson, à l’origine fondée pour la traite des fourrures avec les « sauvages », comme on les appelait à l’époque...
— Bien ! Tiens, c’est ici. Nous allons visiter la cathédrale. Dommage, elle est en rénovations, il y a certaines choses que nous ne pourrons pas voir.
Comme toutes les cathédrales, celle de Luçon est imposante. Peut-être même davantage celle-là parce que c’est celle de Richelieu.


Le cardinal était un homme de pouvoir et il aimait tout ce qui impliquait l’attribution d’un titre. Il allait, d’ailleurs, cumuler ces titres. « Cardinal-duc de Fronsac et premier ministre. Qu’il s’agisse des associations auxquelles il prenait part, son accession au statut de premier ministre  ou, avant ce poste, comme secrétaire d’état aux affaires étrangères. La seule chose qu’il préférait aux titres, c’était le pouvoir qui venait avec ce titre, qui en découlait. Éminence grise du roi, l’histoire le dépeint comme retors et intransigeant, particulièrement contre les révoltes (eh oui, la France faisait déjà grève à cette époque) antifiscales des paysans. Comme quoi on n’en a jamais assez du pouvoir, il fut remplacé à sa mort par le cardinal Mazarin, encore pire, plus vénal que lui. On s’étonne à peine, au vu de ces recherches du pouvoir par la gente cléricale, que la Révolution s’en prit également aux prêtres, jugeant que la soutane n’avait rien à faire dans les affaires de l’État. J’ai l’impression que mon professeur me fait passer mon examen d’histoire. Et j’ai une de ces misères à me concentrer, j’ai l’impression d’être gelé, d’en perdre des bouts, comme si j’étais dans la lune.


Pendant que je visite l’intérieur de cette cathédrale, avec Papa Piagru à mon côté qui vérifie si j’ai bien appris ma leçon, mine de rien, Maman Piagru, toujours aussi serviable, compile les dépliants d’ici et de là disponibles à la cathédrale, lesquels, elle m’offrira au sortir de l’édifice. J’avoue que personnellement, je ne suis que peu ou prou intéressé par les « maisons de Dieu » comme les appellent couramment les prêtres. Pour l’agnostique que je suis, ce qui m’impressionne en ces lieux, c’est uniquement l’oeuvre d’hommes, ces compagnons bâtisseurs de cathédrales ; c’est l’oeuvre et la science, pour des gens qui n’avaient aucune culture autre que ce qu’ils avaient appris de maîtres, cette connaissance pluri-centenaire qu’on se transmettait sur le tas, cette capacité de sentir la pierre, tiens, un peu comme Pierre Morel qui prend une bruyère (ceux et celles qui l’ont vu travailler comprendront ce que je veux dire) brute et sait d’ores et déjà ce qu’il pourra en tirer, qui sait sous quel angle il doit la travailler, qui sait, juste à la sentir au creux de sa main, ce qu’il peut en tirer. C’est ça qui me fascine dans le Compagnonnage. Un peu, si l’on veut, comme si la pierre parlait à l’homme, comme si elle lui disait où tailler pour éviter qu’elle ne se fende. C’est ça au fond qui m’impressionne, le travail des hommes plutôt que ce qu’elle est devenue lorsque les hommes sont partis.


On était à restaurer les vitraux lors de mon passage à la cathédrale, d’où les clôtures interdisant l’accès à certaines parties de l’édifice. J’en ai d’ailleurs profité pour me saisir d’un morceau de verre bleu provenant de cette restauration, comme un souvenir. Il semble bien que ce morceau de vitrail ne devait pas me revenir ni traverser la Mare majorem, parce que bien que rapportée à Olonne-sur-Mer avec les dépliants que Maman Piagru m’avait offerts, de retour auprès de ma mie, je n’ai jamais retrouvé ce morceau de verre ; il est donc resté quelque part en France, entre Olonne-sur-Mer et l’Alsace.


Vite-vite, nous n’avons pas de temps à perdre. Je ne sais pas où nous allons, mais nous y allons. Maman Piagru a repris le volant et nous partons, à l’aventure pourrions-nous dire, ou, comme on dirait chez moi, sur un « no-where », une destination inconnue, quoi. Enfin, quand je dis inconnue, elle était inconnue pour moi, visiblement pas pour mes hôtes. Et nous roulons, sans que je sache vers quelle destination nous nous dirigeons. Je n’ose même pas demander. C’est à peine si j’ose ouvrir la bouche pour respirer ou pour parler de la pluie et du beau temps. Au moins j’ai l’avantage de n’avoir pas à marcher. Parce que quand je marche, j’ai  l’impression à chaque pas que je vais  m’écraser. C’est l’avantage de ces transits en voiture. Je peux me reposer en attendant le prochain arrêt où je sais, ou plutôt je sens que mon mal ira en s’accentuant. Si au moins je pouvais aussi, en plus des jambes, mettre ma tête au repos. Ma tête bourdonne et j’ai réellement difficulté à me concentrer.


Non, je ne suis pas sérieux quand je parle des excès de questionnement ou de ces visites qui, aujourd’hui, me semblent de trop. J’ai des hôtes en or et me faudrait être vraiment ingrat pour réclamer davantage. Qui plus est, Papa Piagru est trop fier de voir un étudiant prêt à voir son savoir mis à l’épreuve. Aussi, il s’empresse de répondre à chacune de mes interrogations, hormis la prochaine destination. Ah mais là, j’ai beau ne pas savoir ne pas voir, je sens, avec ces odeurs caractéristiques, que nous approchons du bord de mer. Bon ça  ne sent pas la mer comme aux Îles-de-la-Madeleine dont la densité humaine est minime (13,000 habitants pour un archipel s’étendant sur 125 km de longueur), mais je perçois malgré tout  de vagues parfums de varech, de goémon et de sel. Il est incontestable que nous approchons de la mer.


Et Papa Piagru tout fier de mon flair m’annonce que nous arrivons à La Rochelle, le lieu d’où partit Paul Vachon en 1643, vers la Nouvelle France. Je suis déçu de manquer de temps, en avoir eu davantage, j’aurais pu aller à la commanderie pour connaître le nom du vaisseau sur lequel il s’est embarqué, dis-je à mon professeur qui me répond avec une teinte de déception non feinte dans la voix, qu’il croit se souvenir que, lors du grand feu de la Fronde, les archives de la Commanderie navale furent totalement rasées.


D’accord, mais qu’en est-il de l’église où les voyageurs allaient recevoir la bénédiction ? Papa Piagru ne sait pas si ça existait à l’époque, non plus qu’il ne sait si une telle église existe encore. Je sens qu’il est perplexe. On dirait que, pour une fois, l’élève a réussi à coincer le maître. Je ne sais pas, personnellement, si l’église existe encore. Mais c’était une coutume, l’homme qui partait en mer allait assister à un office religieux et se faisait bénir, ce qui tenait en même temps, lieu d’extrême-onction. Jamais un homme, ni un marin n’aurait osé traverser l’Atlantique sans initialement être passé par l’église pour y recevoir la bénédiction. Il y a d’ailleurs des ex-voto très explicites dans cette église.


Me retournant dans tous les sens, mon regard est attiré par une église que je découvrirai être l’église de saint-Sauveur, consacrée en 1718, laquelle succédait à une église romane du XIIe siècle détruite en 1568 lors des conflits religieux dont subsiste le clocher du XVe siècle, remplacée par une autre église dont subsiste la façade. Et je découvre cette inscription sur la devanture : « l’église saint Sauveur fut longtemps la paroisse des marins ».


Et, comme si je n’étais pas prédestiné à entrer dans ce temple, Maman Piagru  me montre, elle qui connaît le pseudo que j’utilise ici, le même que j’utilisais sur le forum où j’ai connu son fils qui avait, à l’époque, un autre pseudo, une affiche identifiant l’emplacement du journal de la paroisse. Malheureusement, il n’en restait pas le moindre exemplaire, ni actuel ni périmé...


J’aime errer dans les rues de vieilles villes comme ça. Enfin, en temps normal, quand je ne suis pas malade. C’est peut-être au fond ce qui me fascine tant en la France. Le moindre petit village, le moindre hameau fracasse le millénaire. Les murs vous parlent souvent davantage encore que les gens. Je peux concevoir que les « locaux » ne perçoivent pas ça, voire même que ça leur paraît ridicule, un peu comme ces gens qui ont toujours vécu dans des lieux hautement touristiques qui n’arrivent pas à comprendre ce qui peut bien attirer les gens dans leur coin de pays. Je sais bien que pour les Européens, arriver dans la ville de Québec qui « n’a que » quatre siècles, c’est arriver dans une ville à toute fin pratique neuve. Pour moi c’est le berceau de la colonie française en Amérique. Là comme nulle part ailleurs en Amérique, on peut percevoir l’âme française de notre côté de la Grande Bleue. Et c’est la première chose qu’on ressent en France. Comprenons-nous bien, ça ne sent pas « le vieux », ça sent « l’Histoire ».
Bref, après un déjeuner que je tente d’avoir copieux dans la vieille ville, le temps de prendre quelques clichés et nous avons quitté La Rochelle parce que la journée avançait et nous devions changer de département. J’avoue avoir une certaine difficulté avec les départements pour un pays qui, géographiquement, entre trois fois dans le Québec. Je précise « géographiquement » parce qu’en terme de population, je suis conscient que le Québec entre plus ou moins dix fois dans la France. Et quelle destination, cette fois-ci ? Une fois de plus, je le saurais quand  nous serions à destination.  
Je n’ose pas en faire état à mes hôtes, pour ne pas saboter leur plaisir de me rendre mon séjour au pays de mes origines le plus agréable possible, mais je suis fatigué. Mais fatigué... ! Et je réalise qu’une fois de plus, je n’ai pas pris mes médicaments. Je ne sais plus quel jour nous sommes, mais je sais que je n’ai pas pris mes médicaments une seule fois depuis saint Claude. Elle qui agit comme une véritable mère (ou une infirmière) à mon endroit, s’il faut que je l’avoue à maman Piagru, je sens que je vais me faire servir un sacré savon.
Tout ce qu’on veut bien me dire c’est qu’on a pris la route pour la Charente maritime. J’avoue que, pour moi qui ai déjà de la difficulté à différencier la vaste majorité des départements, qui ai peine à en situer la moitié sur la carte de France, c’est pour le moins limitatif. Au mieux, puisque c’est « maritime », je tire la conclusion que c’est en bord de mer. Mais ce n’est pas avec ça que j’aurai mon baccalauréat.  À peine si ça m’évitera de me retrouver dans les perles du bac... N’y tenant cependant plus, Papa Piagru a fini par me demander si Brouage évoquait quelque chose pour moi.
—  Je ne sais pas dans quelle région, sauf que techniquement, c’est sur la côte Atlantique. Je ne sais pas si c’est une ville ou un village. Je ne sais pas s’il y en a plusieurs ou s’il n’y en a qu’un avec une spécificité qui leur soit propre à chacun.
—  Non, il n’y en a qu’un en France, réplique mon professeur d’histoire... et de géographie en riant.
—  C’est l’Alma mater de Samuel de Champlain. Alors puis-je me permettre une question ? C’est là que nous allons ?
—  Oui. Au passage, c’est une commune.
Ce qui m’étonnera en entrant dans les fortifications, c’est d’abord le format de l’endroit. Je ne sais pas pourquoi, peut-être en raison de l’importance de Champlain pour nous au Québec (et pour moi en particulier parce qu’il a fondé Québec le jour de son anniversaire et du mien, quoique lui, la ville de Québec et moi ne sommes pas de la même année)), peut-être en raison de l’âge de l’endroit, je ne sais vraiment pas. Mais je croyais que Brouage était nettement plus important. Oui, j’ai trouvé vraiment petit.  D’un mur de l’enceinte à l’autre, de l’Est à l’Ouest, pas même un demi-km ; 0,37 km, du Nord au Sud, 0,33 km.
L’autre élément qui m’a frappé, c’est l’importance qu’a Québec à Brouage. D’abord on y entre par la rue du Québec. Au passage, pour l’amateur d’histoire, en allant à Brouage, à l’intérieur de l’Arsenal qui apparaît tout de suite à gauche quand on entre par la porte Nord, il y a une maquette qui explique commet Brouage a été construite ou plutôt relevée. Parce qu’à l’origine, elle était située sous le niveau de la mer.  La commune a donc été littéralement construite sur des pilotis.
J’ai parlé de l’importance qu’a Québec à Brouage, mais cette présence ne se limite pas, loin de là, à la rue de l’entrée. Dans l’église  où Champlain aurait mis les pieds, tout est là pour rappeler la ville qu’il a fondée.  Des panneaux, des verrières offertes par différents organismes québécois, un autre offert par la ville de Québec, des documents identifiant des personnages dont j’ai appris l’histoire et la fin tragique aux mains des Iroquois quand, gamin, j’étais sur les bancs d’école, lesquels on a, chez nous, pour habitude d’appeler les « saints martyrs canadiens », alors qu’ils ne pouvaient pas être plus Français...


Au passage ils ont réellement été canonisés en 1930, en tant que « saints martyrs canadiens ».  René Goupil, chirurgien jésuite, le père Jean de la Lande, le père Antoine Daniel, le père Isaac Jogues (auquel les Iroquois ont fourni un collier de haches rougies au feu), le père Gabriel Lalemant, le père Jean de Brébeuf (dont les Iroquois ont mangé le cœur pour avoir, a-t-on appris sur les bancs d'école, un courage égal au sien), le père Charles Garnier, de même que Noel Chabanel. Et me reviennent les paroles d’une chanson apprise tout petit sur les bancs d’école.

Nous quittons donc ce Mémorial de la Nouvelle-France et Brouage pour rentrer à Olonne-sur-Mer, gavés d’Histoire et d’anecdotes. Je me sens mal et ça me rend triste. J’ai tellement vu et appris au cours de la journée qu’avec la tête qui me tourne et cette impression d’être continuellement sur le point de perdre connaissance, je crains que beaucoup de choses m’auront échappées avant que j’aie pu mettre sur papier cette journée.
Oh, Sandra mon beau cœur, je crains que cette mémoire que je n’ai pas été en mesure de te donner avec la vie et que tu m’envies me fasse défaut en cours de retranscription.

Superbe voyage... Dommage que ton état n'ai pas été à la mesure de ce que tu as pu toucher du doigt. Je crois finalement et même s'il n'est pas aussi ancien que l'Asiatique, tu ais mis une définition sur l'expression "vieux continent".
En tout cas, l'accueil et la générosité des parents de Piagru sont extraordinaires... Un très beau récit mon cher Passeur...

Merci beaucoup une fois de plus pour ta narration mon cher Passeur. Je l'attendais encore avec impatience et de nouveau je n'ai pas été déçu...

Tabadoc a écrit:Merci beaucoup une fois de plus pour ta narration mon cher Passeur. Je l'attendais encore avec impatience et de nouveau je n'ai pas été déçu...

Ne te décourage pas, Tabadoc, demain matin je pars pour la Bretagne. trois jours dont deuxc de black out total et je serai chez toi. Prépare le café
Ah, si ces trois jours pouvaient être pour vrai à compter d'aujourd'hui...!

Toujours sur tes traces cher ami, merci de nous faire vivre ce beau voyage !